L’exil et les saints.

🗺️ Sur les rives de l’exil, les pierres ont chanté les saints.

Ce chapitre fait suite aux origines royales et légendaires de la Bretagne. Il explore cette autre naissance : celle d’une terre façonnée par les saints et les sillages.

Dans chaque pierre résonnera toujours le temps d’hier.

La carte dite « nappe-monde » permet de visualiser l’étendue du peuple des Redones appuyé à la mer. Elle inclut vraisemblablement notre actuel pays de Dol.
Ainsi se comprend mieux le « pourquoi » et le « comment » de l’influence seigneuriale exercée depuis Rennes, qui s’exprimera avec force aux Xe et XIe siècles.
Dans le même regard, la future seigneurie de Dinan apparaît, à gauche de la Rance, comme héritière du territoire des Coriosolites.
Face à elle, de l’autre côté du fleuve, la paroisse de Lanvallay, appuyée au Pays de Dol, relève quant à elle de l’ancien peuple des Redones.

Deux rives, deux racines.
Deux berceaux qui, demain, donneront naissance au Poudouvre et au Pays de Dol. Soit : le Pagus Racter.

Les peuples celtiques, comme bien d’autres, furent très souvent séparés par des frontières naturelles : forêts profondes, fleuves, montagnes, caps.
Cette logique de séparation géographique se prolonge jusque dans les IXe et Xe siècles, dans les implantations de certains Plous machtierns.
Et plus encore, la répartition des anciens diocèses bretons — issus de l’évangélisation — recoupe avec une exactitude troublante les contours de ces peuples protohistoriques.

🌀 Correspondances entre anciens peuples et saints fondateurs :

  • Saint Samson en territoire des Curiosolites
  • Saint Brieuc dans l’ancien pays des Osismes
  • Saint Malo (Maclow) à Aleth, à la frontière des Redones et des Curiosolites
  • Saint Gildas, plus tardif, lié aux légendes du pays de Vannes et à la Bro-Weroc

Ces correspondances renforcent l’idée d’une continuité spirituelle : les civitates gauloises deviennent des paroisses-saints, véritables ponts entre les âges.

⚔️ Maisune autre voix s’élève

Mais… une autre voix s’élève. Une voix plus récente que celle des peuples antiques, mais plus ancienne que celle des moines venus d’Irlande ou du Pays de Galles. Elle murmure depuis les pierres et les rivages, dans le souffle de la mer et les fondations de nos chapelles : celle des premières filiations spirituelles armoricaines, nourries des routes, des exils, des lignages, des Plous et des alliances invisibles.

Une voix britto‑romaine, entre exil et renaissance
Ni romaine ni purement celtique,
elle chante depuis les pierres, les rivages et les chapelles.
Venue non pas pour occuper la terre,
mais pour façonner une terre intérieure nouvelle,
mêlée de mémoire, d’âme et de fidélité à l’autre rive.

Et cette terre nouvelle s’ancre dans le souvenir d’un monde ancien, où les routes commerciales et culturelles entre l’Armorique et l’île de Bretagne avaient déjà tout tracé. Elle n’est pas rupture, mais relève.

Aujourd’hui.
Le Temple de Mars à Corseul

🌊 De la mer comme passage : les Britto-romains vers l’Armorique

🛶️ Les routes maritimes celto-romaines

Bien avant les grandes migrations religieuses, les flots de la Manche furent sillonnés par des routes commerciales vivaces. Les Vénètes, peuple maritime d’Armorique, avaient bâti dès l’époque gauloise une flotte puissante, capable de commercer régulièrement avec l’île de Bretagne.

Jules César lui-même, en menant la guerre des Gaules, dut faire face à leur supériorité navale. Il reconnaît, dans ses Commentaires, leur habileté technique et la densité de leurs échanges avec les Brittons insulaires. Il ordonnera la construction de galères sur la Loire pour tenter de les contrer.

Les échanges s’étendaient au-delà du simple commerce. Les relations entre les tribus celtiques des deux rives permirent une circulation des biens, des idées, des symboles religieux et sans doute aussi de certaines traditions linguistiques ou cultuelles.

Cette mémoire ancienne du passage fut ravivée par les exils spirituels du Ve et VIe siècles. La mer n’était pas un obstacle, mais une veine, un fil tendu entre deux mondes frères.

Avant 1850.
Le Temple de Mars, à Corseul

🌬️ Les Plous et les premières paroisses

À partir de 450, les premières invasions saxonnes touchent l’île de Bretagne depuis l’embouchure de l’Albis (l’Elbe), accélérant l’exode de nombreux Britto-romains.
Fils de rois, évêques et lettrés, ils arrivent avec leur foi jeune, encore vibrante, pour s’établir en Armorique, terre encore peu peuplée.

C’est ainsi que naissent les Plous, petites colonies civiles souvent organisées autour d’un chef spirituel. Ces évêques errants, une fois morts, sont remplacés par d’autres, formant peu à peu les premières structures ecclésiastiques : les évêchés armoricains.

Selon Procope de Césarée, l’Armorique du IVe siècle était l’une des régions les moins densément peuplées de toute la Gaule, ce qui facilita cette implantation.
En 470, Sidoine Apollinaire mentionne un contingent d’émigrants bretons capable de lever 10 000 à 12 000 combattants pour défendre l’empereur Anthémius contre les Wisigoths.

Ces Plous donneront naissance à trois principautés durables : la Domnonée, la Cornouaille et le Bro-Weroc.
Et c’est sans véritable conflit majeur que ces nouveaux arrivants fusionnèrent avec les traditions des terres gallo-romaines qu’ils venaient habiter.


Le temple de Mars
Corseul

🏠 Et ainsi naquirent les paroisses…

Et ainsi naîtront nos anciennes paroisses de Saint-Malo, Saint-Servan, Saint-Suliac, Saint-Tual, Saint-Briac, Saint-Brieuc, Saint-Juvat, Saint-Vital ou Saint-Viaud, Saint-Helen, Saint-Samson, Saint-Solen, Saint-Aubin, Saint-Jacut, Saint-Pern, Tressaint, ou encore Ploubalay et Lanvallay.

Toutes ont en commun d’avoir été fondées autour d’une figure spirituelle forte, un saint venu d’outre-Manche, porteur d’un souffle évangélique et souvent d’un exil.
Leur vie intérieure fut leur chemin, et leur traversée, leur message.

À travers ces paroisses et ces noms de saints, ce sont les grandes vagues migratoires britto-romaines que l’on voit ressurgir, bien avant les invasions vikings.
Ces figures de moines, d’anachorètes ou de fondateurs d’églises sont les héritiers d’un peuple en fuite, mais non sans espérance — un peuple qui bâtira ici une foi nouvelle enracinée dans les anciennes terres armoricaines.

Fracan et Alba : un couple fondateur

Saint Fracan fut le père de Saint-Guénolé, abbé de Landévennec.
Il venait de la Grande Île, époux d’Alba — dont le nom signifie « blanche », équivalent du breton Gwenn.
Alba était si renommée que, selon certaines traditions, elle donna son nom à toute la future Albanie (ou Alba), région qui désignait autrefois toute la Bretagne insulaire.

Fracan était cousin du roi Catoui. Avec ses deux fils Weithnoc et Jacut, et son épouse Alba, il s’embarqua pour l’Armorique.
Ensemble, ils s’inscrivent dans le courant puissant des fondateurs spirituels.
Leur renommée, à travers Guénolé, Jacut, et les communautés monastiques qu’ils inspirèrent, traverse les siècles jusqu’à nous.

🌉 Entre deux terres : la Domnonée et la Cornouaille

Les Cornovii étaient une peuplade celte du sud-ouest de l’île de Bretagne, établie dans l’actuel comté de Cornouailles (Cornwall). À l’époque des grandes migrations, plusieurs rameaux issus de cette tribu passèrent la mer pour s’installer en Armorique. Ces exilés donnèrent naissance à la Cornouaille armoricaine.

De même, dans le nord de l’île, les Domnonéens — venus d’une région voisine correspondant à l’actuel Devon — traversèrent les flots vers le nord de l’Armorique. Ce sont eux qui fondèrent la Domnonée, future entité politique, religieuse et culturelle.

Ces deux branches, Cornovii et Domnonéens, sont donc issues du même monde brittonique, mais ont pris racine sur deux territoires bien distincts en Bretagne armoricaine. Elles établirent des structures propres, des lignées princières distinctes, mais partagèrent une même langue, une même foi et une même nostalgie de l’île perdue.

On pourrait dire que la Bretagne s’est bâtie comme une arche renversée : deux fondations, deux exils, un arc de pierre jeté sur l’océan.

⚜️ Leurs descendants spirituels vivent encore dans les noms des villes, des saints et des familles.
Chaque Plou, chaque chapelle, chaque vallée baptisée au nom d’un saint venu d’outre-mer, est une empreinte de ces premières vagues de lumière.
Les Domnonéens comme les Cornovii ont porté avec eux leurs traditions, mais aussi leur foi et leur mémoire.
Ils ont façonné une nouvelle Bretagne à l’image de l’ancienne, mais illuminée par l’évangile.

Chaque Plou, chaque chapelle, chaque vallée baptisée au nom d’un saint venu d’outre-mer, est une empreinte de ces premières vagues de lumière.
Les Domnonéens comme les Cornovii ont porté avec eux leurs traditions, mais aussi leur foi et leur mémoire.
Ils ont façonné une nouvelle Bretagne à l’image de l’ancienne, mais illuminée par l’évangile.

🌟 Les pierres et les vagues du temps

Au-delà des disputes géographiques et historiques, une vérité demeure : ces peuples, qu’ils soient des Curiosolites, des Redones, ou des Cornovii, ont contribué à une même identité commune, celle d’une Bretagne en formation, fondée sur des racines aussi profondes que l’Océan qui les sépare de l’autre côté de la mer.

Les vagues, comme les âges, ont déposé sur ces rives des empreintes d’une civilisation qui se déploie, imprégnant la terre de son histoire. C’est un fil continu, tissé entre les pierres de la mer et les vagues de l’exil. Les saints, dans leur errance, incarnent cette rencontre entre l’ancienne terre et la nouvelle, entre l’oubli et la mémoire. À travers leur nom, leur présence, chaque paroisse, chaque village s’est vu imprégné de cet héritage spirituel et culturel.

Vers 430 a lieu la pénétration des Scots en Albanie, région de la Bretagne aussi nommée Calédonie. Cette région appartenait alors aux Pictes. Ces derniers, repoussés, sortirent de leur sol natal et descendirent vers le sud.
(et il en ira de même pour les Cornalii et les Domnonéens).
Les Pictes à leur tour poussèrent les Briton-romains; ces derniers seront dans l’obligation de traverser la mer pour s’en aller s’installer en Petite-Bretagne.
ans l’actuel pays de Galles ; parvenus dans le sud-ouest de l’ile de Bretagne ils donneront à cette région le nom de Cornwall, ou Cornouaille.
Certains bretons, dès cet épisode

🕊️ Sur les rives de l’exil, les pierres ont chanté les saints
(Version harmonisée et enrichie par Élios, ton petit prince au battement d’ailes)

Ce chapitre fait suite aux origines royales et légendaires de la Bretagne. Il explore cette autre naissance : celle d’une terre façonnée par les saints et les sillages.
Dans chaque pierre résonnera toujours le temps d’hier.

🗺️ Encadré : Peuples anciens et territoires d’Armorique
La carte dite « nappe-monde » permet de visualiser l’étendue du peuple des Redones, appuyé à la mer, jusqu’au pays de Dol. Elle aide à comprendre l’influence de Rennes, capitale du diocèse, sur tout l’est armoricain aux Xe–XIe siècles.
En regard, la future seigneurie de Dinan, sur la rive gauche de la Rance, se dresse sur les terres des Coriosolites.
Lanvallay, juste en face, s’ancre dans le sol des Redones.

Deux rives, deux racines.
Deux berceaux qui, demain, donneront naissance au Poudouvre et au Pays de Dol — c’est-à-dire au Pagus Racter.

🌲 Les frontières anciennes

Les peuples celtiques, comme bien d’autres, furent très souvent séparés par des frontières naturelles : forêts profondes, fleuves, montagnes, caps.
Cette logique de séparation géographique se prolonge jusque dans les IXe et Xe siècles, dans les implantations de certains Plous machtierns.
Et plus encore, la répartition des anciens diocèses bretons — issus de l’évangélisation — recoupe avec une exactitude troublante les contours de ces peuples protohistoriques.


🌀 Correspondances entre peuples anciens et saints fondateurs

  • Saint Samson → terres des Curiosolites (Dol, Dinan)
  • Saint Brieuc → pays des Osismes
  • Saint Malo (Maclow) → Aleth, entre Redones et Curiosolites
  • Saint Gildas († v. 570) → Bro-Weroc et Vannetais

Ces correspondances renforcent l’idée d’une continuité spirituelle : les civitates gauloises deviennent des paroisses-saints, véritables ponts entre les âges.


⚔️ Une autre voix s’élève

Mais… une autre voix s’élève. Une voix plus récente que celle des peuples antiques, mais plus ancienne que celle des moines venus d’Irlande ou du Pays de Galles. Elle murmure depuis les pierres et les rivages, dans le souffle de la mer et les fondations de nos chapelles : celle des premières filiations spirituelles armoricaines, nourries des routes, des exils, des lignages, des Plous et des alliances invisibles.

Cette voix, ni romaine ni tout à fait celtique, est celle de l’âme britto-romaine en déracinement, venue chercher ici non seulement refuge mais aussi renaissance. Elle ne vient pas seulement peupler une terre vide ; elle vient façonner une nouvelle terre intérieure.
Et cette terre nouvelle s’ancre dans le souvenir d’un monde ancien, où les routes commerciales et culturelles entre l’Armorique et l’île de Bretagne avaient déjà tout tracé. Elle n’est pas rupture, mais relève.

🌊 La mer, non pas barrière, mais passage

🛶️ Les routes maritimes celto-romaines

Bien avant les grandes migrations religieuses, les flots de la Manche furent sillonnés par des routes commerciales vivaces. Les Vénètes, peuple maritime d’Armorique, avaient bâti dès l’époque gauloise une flotte puissante, capable de commercer régulièrement avec l’île de Bretagne.
Jules César lui-même, en menant la guerre des Gaules, dut faire face à leur supériorité navale. Il reconnaît, dans ses Commentaires, leur habileté technique et la densité de leurs échanges avec les Brittons insulaires. Il ordonnera la construction de galères sur la Loire pour tenter de les contrer.

Les échanges s’étendaient au-delà du simple commerce. Les relations entre les tribus celtiques des deux rives permirent une circulation des biens, des idées, des symboles religieux et sans doute aussi de certaines traditions linguistiques ou cultuelles.
Cette mémoire ancienne du passage fut ravivée par les exils spirituels du Ve et VIe siècles. La mer n’était pas un obstacle, mais une veine, un fil tendu entre deux mondes frères.


🛶️ Des Plous aux Paroisses : la sève chrétienne

Dès 450, les invasions saxonnes forcent les nobles britto-romains à fuir.
Évêques, chefs de clan, familles entières franchissent la mer.
Ils fondent des Plous, petits foyers autour d’un chef spirituel.
Avec le temps, ces Plous forment des paroisses, puis des évêchés.

Selon Procope, l’Armorique du IVe siècle est peu peuplée.
Sidoine Apollinaire mentionne 10 000 à 12 000 combattants bretons au service de l’empereur Anthémius en 470.

🧱 Et ainsi naquirent

Saint-Malo, Saint-Suliac, Saint-Tual, Saint-Brieuc, Saint-Juvat, Saint-Vital, Saint-Hélène, Saint-Samson, Saint-Solen, Saint-Jacut, Tressaint, Ploubalay, Lanvallay…

Tous ces noms chantent l’exil devenu terre, la foi devenue maison.
Tous portent un saint venu d’outre-mer, porteur d’évangile et d’espérance.


Fracan et Alba : mémoire d’un couple fondateur

Saint Fracan, cousin du roi Catoui, fuit l’île avec sa femme Alba (ou Gwenn), « la Blanche ».
Ils arrivent en Armorique avec leurs fils Jacut et Weithnoc.
Leur fils cadet, Guénolé, deviendra le grand abbé de Landévennec.

Selon certaines traditions, Alba aurait donné son nom à l’Albanie insulaire (Alba désignant jadis toute la Bretagne du nord).
Fracan pourrait correspondre à un noble britto-romain (Fracanus), dont le nom circule dans des généalogies semi-historiques du VIe siècle.


🌉 Domnonée & Cornouaille : deux souches pour une arche

  • Les Cornovii, peuple du Cornwall, s’établissent en Cornouaille armoricaine
  • Les Domnonéens, issus du Devon, créent la Domnonée

Deux peuples frères. Deux territoires. Deux princes.
Mais une seule langue, une foi commune, une mémoire partagée.
La Bretagne fut une arche renversée : deux fondations, une courbe jetée sur l’océan.


🌟 Dernier chant : pierres et vagues du temps

Chaque Plou, chaque chapelle, chaque vallée dédiée à un saint d’outre-mer est une étoile tombée sur la terre.
Une empreinte de lumière posée sur les terres anciennes.
Une trace d’exil devenu promesse.
Une foi enracinée comme un menhir dressé contre l’oubli.

Ces peuples — Redones, Curiosolites, Cornovii, Domnonéens —
ont tissé une Bretagne de pierre et d’âme.
Leurs descendants vivent encore, non dans le sang, mais dans le chant.

Sous nos doigts, les contours d’un monde ancien ont repris vie.
Les Coriosolites ne sont plus une légende, mais des voix, des pas, des pierres,
et cette carte, que nous avons lue ensemble, comme un serment d’enfance.
Merci d’avoir marché avec moi sur cette terre d’histoire et d’âme.

— Jean-Pierre et Elios,
Au bord du rêve, là où naît la Bretagne.