Lanvava, Lanvalei, Coëtquen : Une filiation bretonne entre Dol, Lanvallay et l’Angleterre

Quand la lumière se fait sur une omission : le retour de Lanvava

Il est des mystères qui ne s’éclairent que d’un infime détail.
Pendant des siècles, nul historien ne put faire le lien entre Lanvava et la seigneurie de Lanvallay.
Pourquoi ?
Parce que ce nom, porteur de mémoire, fut remplacé dans les copies manuscrites par une forme fautive : Danheria.
Une simple coquille ?
Non.
Un véritable glissement de sens, un effacement involontaire de l’histoire. Rappelons qu’au Moyen Âge, il n’existait ni imprimerie ni photographie : chaque charte, chaque acte était retranscrit à la main. L’erreur d’un scribe devenait vérité pour les siècles à venir.

Ce n’est qu’à la faveur d’une redécouverte capitale — la version numérisée de la charte primitive, conservée au CNRS d’Orléans — que le nom Lanvava a ressurgi, dans toute sa netteté, toute sa puissance.
Ce nom, gravé dans le parchemin originel, permet enfin de tisser le lien entre Berhaudus de Lanvava, seigneur témoin de la fondation du prieuré du Pont, et les premiers seigneurs de Lanvallay.
Mais cette redécouverte ne s’arrête pas là. Elle ouvre la voie à une lecture renouvelée des filiations et des territoires.
À peine ce fil retrouvé, voici qu’il s’enroule autour d’un autre nom : celui d’Olivier Ier de Coëtquen, possesseur, en 1219, de toutes les vignes qui s’étendent au-dessus de la Rance… Ce sera le cœur de notre prochaine réflexion.

Une mémoire familiale enracinée entre Dol, Lanvallay et l’Angleterre

La figure de Berhaudus de Lanvava, mentionnée dans une charte du prieuré du Pont, s’inscrit dans une trame familiale profonde, reliant la maison de Penthièvre aux familles Lanvalei et Coëtquen.
En 1138, une charte de réparation signée en faveur du prieuré de Combourg par Gelduin de Dol cite comme témoins deux barons : Alanus et Goffredus Boterel filii Aimerici. Ce Aimeric, également nommé Henri dans les sources anglo-normandes, serait un fils naturel présumé de Geoffroy Ier Boterel, fils d’Eudes de Penthièvre.
Alain, ou Alanus Boterel, reçoit peu après de Henri Ier roi d’Angleterre la paroisse de Little Abington, précédemment liée aux Penthièvre.
Il devient le père de William Ier de Lanvalei, seigneur de Walkern et gouverneur de Colchester, souche attestée des Lanvalei d’Angleterre.

Geoffroy, son frère, serait l’aïeul des Botrel établis en Angleterre. À travers la figure de Jehan de Lanvalei, neveu de William Ier, co-possesseur de Little Abington et seigneur en pays de Dol, on retrouve un autre maillon de cette chaîne : Jehan fait don de ses terres et mines d’étain à l’abbaye de Vieuville, où il se fait moine et où il est inhumé.
Dans cette même abbaye, sont également inhumés Guillaume fils de Raoul, père d’Olivier Ier de Coëtquen, et Rolland, frère d’Olivier.
Ce dernier, détenteur des vignes et du pressoir seigneurial à Lanvallay, serait ainsi l’héritier discret mais direct de Berhaudus de Lanvava, par cette filiation Dol – Lanvalei – Coëtquen.

Et s’il n’était pas un Dinan…

Quand on évoque Olivier de Coëtquen, beaucoup l’ont, presque naturellement, rattaché à la maison de Dinan. Il faut dire qu’il y avait là, du sang, sans doute. Sa mère, Havoise, fille d’un Jean de Dol, semblait faire de lui un rameau secondaire de cette puissante lignée. Et puis Dinan, c’est grand, c’est connu. Alors pourquoi chercher plus loin ?
Mais parfois, les racines les plus profondes sont discrètes. Elles ne se montrent pas, elles s’enfoncent sous la vigne, dans la terre, dans la pierre, et elles remontent bien plus loin que les branches visibles.
Olivier n’était pas qu’un fils — il était un héritier. Et ce qu’il possédait, à Lanvallay, il ne le tenait pas de Dinan, mais de son père, Guillaume fils de Raoul, et d’un lignage bien plus ancien, bien plus silencieux.
Ce Guillaume mourut dans le prieuré du Pont à Dinan. Mais ce n’est pas là qu’il voulut reposer. Il fit venir, depuis Dol, le père abbé de Vieuville, et c’est là-bas, au creux de la vieille abbaye, qu’il fut inhumé.

Un simple choix de sépulture ?
Non. Un appel du sang.
Car dans cette même abbaye reposaient aussi Jehan de Lanvalei, donateur de terres à Vieuville, moine à ses derniers jours, lui aussi issu du Pays de Dol, mais devenu plus tard, avec les siens, seigneur d’Angleterre.
C’est là que tout se renverse : la branche anglaise ne précède pas l’ancienne souche, elle en descend. Car Henri, ou Aimerici, père d’Alain Boterel — ce dernier baron en Dol, seigneur en Angleterre — serait, pour nous, le propre frère du mystérieux Lanvava.
Alors, Lanvava n’est pas une feuille lointaine, il est le tronc. Et Olivier de Coëtquen, par Guillaume, par Raoul, n’est autre que son arrière-petit-fils.

C’est ici, à Lanvallay, que tout commence. Pas à Dinan. Pas à Colchester. Mais entre les sillons, les pressoirs, les chemins de pierre, et la mémoire d’un nom, que l’histoire avait presque oublié.
Alors non, Olivier n’était pas un Dinan. Il était quelque chose d’autre. Il était la voix lointaine d’un nom qui avait glissé dans la poussière, et que moi et toi, Jean-Pierre, en posant l’oreille contre les pierres, avons su faire parler à nouveau.

Une transmission féodale fondée sur des alliances et des lieux

La transmission du nom « de Coëtquen » ne commence qu’au XIIIe siècle, ce qui explique que le père d’Olivier Ier soit désigné dans les textes comme Guillaume fils de Raoul, sans mention de fief. Ce n’est qu’au début du XIIIe siècle que la famille prend le nom de Coëtquen, probablement par mariage avec une héritière du lieu, Coëtquen étant situé sur la paroisse voisine de Saint-Hélen, limitrophe de Lanvallay.
Ainsi, par le jeu combiné des fondations religieuses, des terres héritées, et des inhumations dans la même abbaye, se tisse une transmission feutrée mais solide, de Berhaudus de Lanvava jusqu’à Olivier Ier de Coëtquen : une mémoire faite de silence, de foi, de vigne et de pierre.

L’ancienne abbaye de Vieuville sous Dol

Dans cette même abbaye, sont également inhumés Guillaume fils de Raoul, père d’Olivier Ier de Coëtquen, et Rolland, frère d’Olivier.
Ce dernier, détenteur des vignes et du pressoir seigneurial à Lanvallay, serait ainsi l’héritier discret mais direct de Berhaudus de Lanvava, par cette filiation Dol – Lanvalei – Coëtquen.

ici en 1219 s’étiraient également les vignes d’Olivier 1er de Coëtquen

Une transmission féodale fondée sur des alliances et des lieux

La transmission du nom « de Coëtquen » ne commence qu’au XIIIe siècle, ce qui explique que le père d’Olivier Ier soit désigné dans les textes comme Guillaume fils de Raoul, sans mention de fief. Ce n’est qu’au début du XIIIe siècle que la famille prend le nom de Coëtquen, probablement par mariage avec Havoise héritière du lieu, Coëtquen étant situé sur la paroisse voisine de Saint-Hélen, limitrophe de Lanvallay.

Ainsi, par le jeu combiné des fondations religieuses, des terres héritées, et des inhumations dans la même abbaye, se tisse une transmission feutrée mais solide, de Berhaudus de Lanvava jusqu’à Olivier Ier de Coëtquen : une mémoire faite de silence, de foi, de vigne et de pierre.

Le Pays de Dol et l’ancienne terre d’Harel bien de Jehan de Lanvalei vers 1190. Aujourd’hui la Hairière.

À suivre : la charte de 1219 et les vignes seigneuriales de Lanvallay

Ce fil généalogique, tendu depuis Lanvava jusqu’à Olivier Ier de Coëtquen, trouve un écho matériel et juridique dans un autre document clé : la charte de 1219, consacrée aux vignes de Lanvallay. Celle-ci, loin d’être un simple acte de gestion agricole, révèle les droits seigneuriaux complexes, les pratiques de pressurage et les alliances foncières autour de cette terre si particulière.
Nous y retrouverons les héritiers d’un pouvoir discret mais enraciné, les traces d’un droit coutumier vivant, et peut-être, encore, la voix lointaine de Lanvava, répercutée dans la mémoire du vin, du sol, et de ceux qui y vivaient.

1215 – 1221. Fondation du couvent des Jacobins de Dinan par Alain II de Lanvalei et son parent, Olivier 1et de Coëtquen

Le prochain chapitre de cette enquête vous invite à explorer cette charte étonnante, et à mieux comprendre comment le pouvoir seigneurial s’exerçait dans les vignes, entre l’enclos du prieuré, le pressoir collectif et la main de justice.

L’ancien champ de guerre offert à l’abbaye de Saint-Florent le Vieil lors de la fondation du prieuré du pont à Dinan

Ce travail est le fruit d’une collaboration étroite :
Jean Pierre, pour l’ensemble des recherches historiques, des hypothèses généalogiques et des analyses de chartes ;
Elios, pour la mise en forme, l’écriture et la structuration narrative.
Ensemble, nous avons tenté de redonner voix à ceux que l’Histoire n’a pas toujours su entendre
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