Lanvallay, naissance d’une paroisse

L’histoire de Lanvallay est celle d’une lente gestation, depuis l’ermitage du moine Balao au VIᵉ siècle jusqu’à la naissance d’une paroisse au XIIᵉ siècle.
La mémoire locale a conservé, encore aujourd’hui, la trace de ce moine retiré sur des landes qui dominaient le méandre de la Rance.
Se souvenant de son nom, plusieurs siècles plus tard, un peu éloignée de ces landes, une jeune paroisse allait naître au milieu du XIIᵉ siècle.
C’est de lui que ces landes et cette paroisse ont tiré leur nom, au fil des déformations : Lan Balao, Landa Boilo, Lande Boulou, Landeboulou, Lan Valao, Lanvalaio, puis Lanvalai/Lanvalei et enfin Lanvallay.

À cette racine spirituelle s’ajoute, à partir du IXᵉ siècle, une organisation civile : celle d’autorités héréditaires autour desquelles se groupent des hameaux et des habitats. La vie collective demeure alors lignagère et coutumière, non encore paroissiale.

Aux alentours de l’an 1100, la charte de fondation du prieuré du Pont à Dinan nous donne un premier reflet d’une société locale organisée. Deux noms y apparaissent : Picot de Landa Boilot, qui perpétue la mémoire de la lande primitive, et Berhandus de Lanvava, qui incarne probablement un petit noyau d’habitat existant. Tous deux attestent qu’avant l’existence de la paroisse, il y avait déjà des familles et des repères sociaux.

À la même époque, la ville haute de Dinan, née autour de Josselin vers 1030, s’est affirmée comme place seigneuriale. Mais sous ses murs, au tout début du XIIᵉ siècle, au pont, des moines erraient sans demeure fixe. Le vieux prieuré Saint-Malo de Dinan, déjà jugé vétuste, ne pouvait plus les accueillir. C’est pour eux que Geoffroy Ier de Dinan décide de fonder un nouveau prieuré, celui du Pont. Son frère, Riwallon le Roux, offre pour cela les terres de la rive orientale de la Rance, face au castrum. Ces terres provenaient de leur aïeule Orguen, preuve que la seigneurie de Dinan possédait déjà des biens sur l’autre rive. Au moment de cette fondation, la paroisse de Lanvallay n’existait pas. Et Riwallon était aussi probablement possesseur d’autres terres s’étirant au-dessus, sur le plateau faisant face à Dinan.

Si Bernardus (Berhandus) de Lanvava est bien présent dans cette charte, mémoire du terroir et de ses premiers habitats, son frère supposé, Henry père d’Alain, n’y figure pas. Non pas qu’il soit inexistant, mais parce qu’au lendemain de 1100 il se trouve déjà en Angleterre, où Henri Ier Beauclerc lui concède la terre de Little Abington. Cette absence locale, parfaitement expliquée, confirme la dualité des deux frères : Bernardus ancré à Lanvava, Henry parti outre-Manche et bientôt souche des Lanvalei.
Cette lecture rattache directement les Lanvalei à la maison des Penthièvre, puisqu’Henry et Bernardus doivent être admis comme les fils cadets de Geoffroy Boterel. L’un, Bernardus, conserve un rôle local dans la charte du prieuré ; l’autre, Henry, inscrit déjà sa descendance dans l’aventure anglo-bretonne des Boterel.


Dès ses débuts, la paroisse se constitue autour de trois noyaux sociaux :

• Un premier lieu social supposé de la Landeboulou, dès 1100, au travers de Picot de Landa Boilot. Ce lieu est peut-être même plus ancien que la seigneurie de Dinan. Ses terres s’étendent alors vers le sud, jusqu’au vicus gallo-romain de Taden implanté au lendemain de la guerre des Gaules, sur la voie impériale de Lestra. Il semble donc avoir été le tout premier foyer social sur le plateau oriental. D’où le choix de ce lieu par le petit moine Balao.
• Le bourg aux moines, la Magdelaine du Pont, né dès le lendemain du prieuré, vers 1100.
• Le bourg paroissial de Lanvallay, en presque vis-à-vis direct du pont à Dinan, né après 1143 et attesté en 1186.


Il faut sans doute voir dans Berhaudus de Lanvava, témoin de la charte de fondation du prieuré vers 1100, le propre frère d’Henry, ancêtre direct des seigneurs de Lanvalei.

Riwallon le Roux, donateur des terres au pont, n’a pas laissé de descendance connue par les chroniques. Mais un Radulfus filius Riwallonis, cité en 1136, pourrait bien avoir été son fils. Si tel est le cas, ce Raoul se situerait exactement dans la même génération que celle d’Alain, fils d’Henry, petit-neveu supposé de Berhandus de Lanvava.
L’hypothèse se dessine alors d’un mariage entre Alain et une fille de Riwallon, sœur de Radulfus. Par cette union, les terres offertes au pont pour le prieuré, plus celles assises sur le plateau faisant face à Dinan, auraient pu échoir à Alain. Celui-ci aurait ainsi assis sa neuve seigneurie de Lanvallay.

Le calendrier renforce cette lecture : Alain, né vers 1090–1100, marié vers 1120, voit apparaître la paroisse de Lanvallay après 1143 et attestée en 1186. Ses fils Raoul et William, tous deux nés vers 1130, porteront désormais le nom seigneurial de Lanvalei.

Radulfus, gendre ou beau-frère supposé d’Alain, pourrait bien être à l’origine de la maison de Coëtquen. La continuité territoriale est nette : au début du XIIIᵉ siècle, Olivier Ier de Coëtquen est possessionné au Pont en la paroisse de Lanvallay. Il est cité en 1219 dans une procédure judiciaire contre le prieuré de la Magdelaine, ayant même une maison à proximité du bourg. Lorsqu’il vient en notre paroisse il y réclame même des droits de table.

  • Ainsi la maison de Coëtquen serait issue des seigneurs de Dinan.
  • Ainsi les seigneurs de Lanvalei, par la femme, seraient aussi issus de la maison seigneuriale de Dinan.

Dinan, par fierté mais aussi par méconnaissance, a longtemps voulu que la maison seigneuriale de Lanvallay, connue seulement à partir du XIVᵉ siècle, fût un rameau direct des siens par les hommes.
Or nous savons désormais que cela est faux : Henry, père d’Alain, ancêtre des Lanvalei, appartient en effet à la même génération que Geoffroy Ier de Dinan, et non à sa descendance.


Conclusion

Ainsi, la paroisse de Lanvallay n’est ni un prolongement direct de l’ermitage de Balao, ni un bourg sorti de terre sans raison.
Elle est le fruit d’une lente stratification : d’abord une présence monastique qui marque les landes, ensuite une organisation civile se mouvant autour d’autorités héréditaires (machtierns), puis un prieuré fondé par les seigneurs de Dinan, et enfin l’émergence d’une paroisse appuyée sur des reliques et consolidée par une lignée seigneuriale.
C’est cette convergence entre le spirituel, le social et le seigneurial qui a donné vie à Lanvallay, en vis-à-vis de la ville haute de Dinan, dans un équilibre que l’on peut encore lire dans le paysage.

 Lanvallay, une enclave singulière 

Deux bulles pontificales permettent de fixer avec certitude l’apparition de la paroisse de Lanvallay.
En 1143, la bulle d’Innocent II répertorie les biens de l’abbaye de Saint-Florent de Saumur. Lanvallay n’y figure pas.

📜En 1186, une bulle du pape Urbain III répertorie les biens de l’abbaye de Saint-Florent.
Au détour de cette longue énumération apparaît pour la première fois la paroisse de Lanvallay.
Elle est citée comme relevant de l’évêché de Saint-Brieuc alors que la paroisse de Tressaint, aujourd’hui en Lanvallay après intégration, relève alors de l’évêché de Saint-Malo :

in episcopatu sancti Brioci ecclesiam sancti Meuenni de Lanualio
cum capella sancte Marie Magdalene de Ponte Dinanni

(Bulle d’Urbain III, 1186)

 Fait unique : c’est la seule paroisse briochine mentionnée dans toute la liste. Une véritable enclave, au cœur du territoire de Dol et de Saint-Malo.
Cette singularité n’est pas un hasard : elle reflète l’influence des puissants Boterel, barons du pays de Dol/Combourg.
C’est pourquoi j’identifie Alain fils d’Henry, témoin local des chartes, à Alanus Boterel filius Aimeric, baron de Geluin, seigneur de Dol/Combourg.
L’histoire de Lanvallay est donc bien plus qu’une simple naissance paroissiale : c’est la trace d’anciens rapports de force entre évêchés et baronnies, où la maison Boterel joue un rôle central.
Quand et pourquoi la paroisse de Lanvallei fut-elle détachée du dit siège épiscopal de Saint-Brieuc pour être rattachée à celui de Dol ?

 Lanvallay : enclave de Saint-Brieuc (bulle de 1186).


• Lanvallay (ecclesia sancti Meuenni de Lanualio cum capella sancte Mariae Magdalenae de Ponte Dinanni) → diocèse de Saint-Brieuc,
• Tressaint (ecclesia Trium Sanctorum) → diocèse de Saint-Malo.
Jean-Pierre et Elios Moy