
En Lanvallay chemine aussi le vieux chemin de Lestra
En cet endroit musical qu’est devenu aujourd’hui le Port Josselin, faisant face au port de la Providence, véritables mondes magiques et magnifiques, au fond d’un creux sauvage boisé d’arbres morts, ne subsiste de nos jours que ce qu’il nous reste de la grande voie deux fois millénaire de Lestra.
L’ancien vicus gallo-romain de Taden était assis au plus près, à l’emplacement de l’actuel Asile des Pêcheurs. Elle réunissait alors Corseul à Avranches. Le temps est le seul Dieu qui ne vieillit pas.
Lors des sécheresses de 1977, 1989 et 1998 furent aperçus, à Saint-Piat tout proche, un enclos rectangulaire et des structures annexes orthogonales remontant à l’âge du fer. Au XIXe siècle, une ancre en granit gallo-romaine fut retrouvée sous les eaux proches de l’ancien passage à gué réunissant, hier encore, les deux ports.
Il est vrai qu’en notre commune, en cette heure de maintenant, est toujours présente son empreinte — véritable écho temporel. Cette vieille voie gallo-romaine est enfouie sous les herbes hautes, sous les ronces, sous les troncs renversés, sous les bris des bois décomposés. Nous avons en notre ville une toute petite partie de ce que, par le passé, jadis, la voie de Lestra fut.
Et dire qu’elle a été, en sa totalité, régulièrement empruntée tout au long des XVIIIe–XIXe siècles ! En 1850, le baron Bachelot de La Pylaie dit d’elle qu’elle était une chaussée parfaitement conservée. Une fouille subaquatique menée en 1978 n’a pas pu atteindre le niveau 0 du passage à gué du fait du fort envasement dont la Rance était déjà, ici aussi, la proie.
Elle n’était alors plus que l’ombre d’elle-même ; elle n’était qu’un simple chemin vicinal reliant deux communes, reliant Taden et Lanvallay. Et pourtant ! Toujours elle était.
Notre grand plateau au Port Josselin fut, en des temps très séculaires, l’un des éléments d’une Via, l’un des éléments d’une importante route reliant deux points de la grande Rome. Espace toujours aujourd’hui ouvert, soit sous les ciels bleus/gris, soit sous le feuillage d’arbres élancés, sa surface est toujours pleine de sa largeur originelle, de sa largeur première. Ainsi, personnellement, j’ai mesuré 14 pas. Soit environ 10 mètres de large ! Plus large qu’une nationale. Et OUI.
La largeur de 10/12 mètres, au temps de Rome — la grande Rome conquérante et guerrière — sera la largeur moyenne pour toute via publica, pour toute voie publique. Au temps de cette Rome civilisatrice, ce chemin fut une voie gallo-romaine importante, une voie essentielle, une voie principale et très stratégique. En la dite année 1850, elle reliait toujours Corseul à Avranches et, avec un tout petit peu d’imagination, Corseul à Rome elle-même. Elle était toujours essentielle pour tous nos pères du moment.
Toujours fidèlement accompagnée de son tout petit cours d’eau, le ruisseau du port Josselin, de l’illustre passé social de cette ancienne strata, c’est tout ce qu’il nous reste aujourd’hui… Dire qu’il y a 2000 ans, chaque jour passaient ici même soldats, hommes libres, esclaves, bétail et même des chars gallo-romains ! Certains se rendaient soit à Condate, soit au fin fond de l’Empire de Rome, au fin fond du bout du monde alors enfin civilisé…
Ce grand chemin plus que millénaire et ancestral, devenu au cours des siècles simplement vicinal, sera implanté sur les premiers plans cadastraux de 1811 et 1844 lorsque ceux-ci furent réalisés. Il était donc toujours emprunté.
Dorénavant, presque entièrement avalée par une cruauté naturelle, effacée aussi par une volonté née de nous-mêmes, encore elle est. Elle se terre loin de nous, loin de nos regards indifférents, tournée sur son seul passé. En cet endroit, véritable royaume de l’Oubli, Lestra nous montre toujours sa largeur première, toute sa grandeur passée…
Mais nous faut-il encore volontairement nous en approcher ! Le Passé et le Présent ne sont-ils pas tous deux réunis par une même flèche du temps ?
Alors, par où accéder à cette mémoire ?
- Depuis la Landeboulou, assise juste au-dessus.
- Depuis la route menant, depuis les temps les plus anciens, de Rennes à Avranches.
Le ruisseau du port Josselin, sans aucune lassitude, jour après jour, l’accompagne dans sa propre solitude. Ici l’éternel cheminement de la Vie, loin de tout bruit citadin, prend subitement une toute autre définition. Le monde, ici, ne semble pas devoir posséder de début ni de fin. Tout est olympien. Même le silence des mots prononcés par un monde empli de mousse et d’arbres verts.
Dieu qu’aujourd’hui tout va trop vite ! Promis, Lestra. Je reviens te revoir pour me perdre, le temps d’un instant déjà trop court, dans le fil tendu de ta mémoire. Finalement, il y a des fils rouges indestructibles.
