Alain II de Lanvalei, ou Alain I de Lanvallay/Tressaint

Les origines d’Alain II.
Voici le défilement de ma pensée…


🟦 DinanLe couvent des Jacobins ou des Frères prêcheurs

Si la date exacte de la fondation du couvent des Jacobins, relevant de l’Ordre de Saint-Dominique, reste aujourd’hui encore incertaine, il est cependant possible de l’approcher avec une relative précision — et voici pourquoi, ou plutôt comment.
La Tradition veut que saint Dominique ait adressé une lettre aux Frères prêcheurs de Dinan depuis l’Italie, où il exerçait alors sa mission ; or, celui-ci mourut à Bologne en 1221, ce qui rend vraisemblable une fondation antérieure à cette date, probablement au cœur même de cette guerre si fratricide… mais les guerres, du reste, n’ont-elles pas toujours été fratricides, dès lors qu’elles sont humaines ?
Présent à Toulouse en novembre 1215, Dominique se rend ensuite à Rome pour assister au quatrième concile de Latran, et c’est là, dans le souffle même de ce concile, que fut officiellement fondé l’Ordre des Frères prêcheurs ; le couvent dominicain de Dinan s’inscrirait donc dans cette brève séquence de quelques années, entre 1215 et 1221, entre le temps de l’institution et celui du silence du fondateur.
Toujours selon la Tradition, Dominique serait venu en Bretagne avant même son passage à Toulouse, vers 1210, et y aurait rencontré, dit-on, un certain Alain de Lanvallay.

Le château de Montségur, en Ariège, fut construit vers 1206 ; il allait devenir, à peine quelques années plus tard, l’un des principaux foyers de la dissidence cathare. Le concile de Latran de 1215 le désignait déjà comme un repaire d’hérétiques, et cette désignation sera reprise en 1229 dans le traité de Meaux, traité qui mettra un terme au conflit opposant le comté de Toulouse à la couronne de France. Ce traité, en réalité, marque le début du rattachement de l’Occitanie à la France, placée alors sous la régence de Blanche de Castille, mère du jeune Louis IX, âgé de douze ans. La croisade contre les Albigeois, engagée en 1208 sous Louis VIII, se poursuivra jusque sous son fils et ne s’achèvera officiellement qu’en 1229 ; le château de Montségur, quant à lui, ne tombera qu’en 1243, sur ordre du roi.
Né vers 1160, Alain de Lanvallay n’a donc pu participer qu’aux tout premiers épisodes de ce long conflit.  
Lors de l’apparition du dit couvent des Jacobins de Dinan, édifié sur l’une des ses terres, celle-ci assise en les murs de Dinan, Alain était alors âgé d’environ 50-60 ans. Au lendemain de cette édification il se fera moine et décédera à Orléans en état de sainteté.

Le château de Montségur.
Photo personnelle faite en 1999.

🟦 L’Inconnu

Né aux alentours de 1160, qui était vraiment Alain, le tout premier seigneur de Lanvallay et de Tressaint ?
Né un siècle après la célèbre bataille d’Hastings, que savions-nous, encore hier, de cet Alain
« fondateur », compagnon ou parent proche d’Olivier Ier de Coëtquen dans l’acte de fondation du couvent des Jacobins de Dinan ?
Presque rien.
Le religieux et historien Pierre-Hyacinthe du Paz, chargé par la duchesse Anne de Bretagne de rédiger le premier ouvrage consacré à l’histoire de son duché, évoque brièvement Alain : il le présente comme seigneur de Lanvallay, propriétaire de Tressaint, et surtout comme le donateur du terrain situé derrière les remparts de Dinan sur lequel fut édifié le couvent des Jacobins. Mais au-delà de cette maigre mention, rien.
Du Paz ne nous dit rien d’autre. Il ne précise pas si Alain possédait d’autres biens, ni en Bretagne, ni outre-Manche.
Il ne dit rien non plus de ses enfants, s’il en eut.
Rien non plus sur ses origines, sur ses parents, sur sa lignée.
De lui, nous ne conservions que l’orthographe nue de son nom.
Alors qui était-il ?
D’où venait-il ?
Quels sangs croisés couraient dans ses veines ?
Quels fils tissaient son passé ?
Mais cela, c’était hier. Et les jours qui passent, parfois, éclairent ce que l’on croyait à jamais perdu
.

🟦La Little Abington et les seigneurs Boterel

1. La procédure judiciaire. Rappel.
La procédure de la spoliation de la paroisse de la Little Abington — spoliation commise par le seigneur Simon le Bret, beau-frère d’Alain — va m’apprendre, nous apprendre, les noms de ses père et mère. Elle va nous communiquer les noms de ses frères et sœurs, ainsi que ceux de ses deux propres enfants directs. Ainsi, elle nous livre toute son ascendance depuis « Alain fils de Henry », son aïeul paternel.
En vérité, il ne s’agira pas d’un vol, mais d’une spoliation royale, commise volontairement — ou involontairement, peut-être — par le roi Richard Cœur de Lion lui-même. Voir ci-dessous.(À ce stade, reprendre le chapitre consacré à ladite procédure judiciaire.)

Au lendemain de 1100, le susdit Henry — né vers 1070, père du dit Alain, lui-même aïul d’Alain II et de toute sa fratrie — reçoit des mains du roi Henri Ier d’Angleterre la paroisse de la Little Abington. Ce bien seigneurial, hier encore, appartenait à la fratrie d’Eudes de Penthièvre.
De fait, la Little Abington faisait partie intégrante de l’Honneur de Richemont — l’une des plus grandes seigneuries anglo-normandes créées au lendemain de la bataille d’Hastings. L’Honneur de Richemont fut constitué par le roi Guillaume le Roux, fils du Bâtard, pour Briand de Penthièvre, premier de sa fratrie à être récompensé.
Décédé sans héritier, cet Honneur fut, dès la mort de Briand, transmis successivement à chacun de ses frères, jusqu’à Étienne de Penthièvre. Ce dernier offrit même à l’abbaye de Sainte-Marie de York ses propres biens s’appliquant à l’église d’Abington. Cette seigneurie, au lendemain d’Étienne, fut confiée par Henri Ier d’Angleterre à notre susdit Henry, bisaïeul d’Alain, seigneur de Lanvallay/Tressaint.
Geoffroy Boterel, frère aîné de cette fratrie, seigneur de Penthièvre par droits héréditaires, demeura en Bretagne : il ne passa pas la Manche, seuls ses puînés le firent. Il mourut en 1093, sous — ou dans — les murs de Dol, alors qu’il tentait de prendre cette grande seigneurie pour son propre compte.
Un demi-siècle plus tard, juste avant 1138, Gilduin de Dol, seigneur de Dol/Combourg, mit à sac la paroisse de Tréfumel. Pour faire pénitence, Gilduin — en présence de Baudric, archevêque de Dol (†1138) — fit don de terres au prieuré de Combourg.
Furent présents ce jour-là, aux côtés de ces deux seigneurs (l’un religieux, l’autre laïc), deux jeunes barons nés vers 1100, établis dans le pays de Dol, et frères l’un de l’autre :
Gofridus et Alanus Boterel filii Aimerici — Geoffroy et Alain Boterel, fils d’Aimeric.

Aimerici (ou Aimericus) est ici la forme latine du prénom Henry. Ce prénom sera décliné dans les chartes sous les formes Heymeri, ou encore Ailmari. Il en ira de même pour Alanus (Alain), que l’on retrouvera aussi écrit Halanalt.
Nous avons donc ici, comme témoins presque principaux de cette charte, deux jeunes barons du pays de Dol, Geoffroy et Alain Boterel, tous deux fils du susdit Henry (Aimerici).
Les deux frères « Boterel de Nettlestead »
La présence attestée, ici même dans le pays de Dol, de ces deux frères Boterel — tous deux barons du seigneur de Dol et du comte de Penthièvre, tous deux fils d’Aimerici/Henry Boterel — tend à prouver que Geoffroy Ier Boterel, fils d’Eudes de Penthièvre, neveu du duc de Bretagne et héritier du comté, eut ici, sous les murs de Dol, deux enfants naturels, frères de Conan (seul fils légitime que l’Histoire ait retenu). Conan mourut lors de la Première Croisade, à Antioche, en 1098. Son père Geoffroy était mort cinq ans plus tôt.
Henri Ier d’Angleterre attribua à « Henry père d’Alain », souche attestée des seigneurs de Lanvalei, la paroisse de Little Abington, pour une étendue de 5 hides de terre (environ 20 virgates). Ce domaine comprenait terres, moulin, manoir, maisons de tenanciers, etc.
Avant la réalisation du Domesday Book, ces terres appartenaient à Eddeva Pulchra, épouse de Harold Godwinson, dit Harold du Wessex, rival malheureux de Guillaume le Conquérant à Hastings.
Après cette donation royale, la Little Abington sera transmise par Henry à Alain, lequel la transmettra à William Ier de Lanvalei et à Heymeri, deux de ses fils. Cependant, un acte de donation isolé nous apprend qu’une virgate de terre, assise dans la Little Abington, sera donnée par Geoffroy Boterel, fils de Geoffroy de Nettlestead (alias Gofridus Boterel filius Aimerici), à Radulfus fils d’Ernaldi.
Or, pour confirmer ce don, sa propre fille Aldita, héritière de cette virgate, fait appel à un témoin d’importance : Jehan de Lanvalei, fils de Heymeri, donc petit-fils d’Alain Boterel (fils d’Aimerici), autrement dit cousin d’Aldita.
On peut en conclure que les deux frères Geoffroy et Alain furent ensemble possesseurs des cinq hides de terre de la paroisse de Little Abington, vraisemblablement en indivision. La donation d’une virgate de terre constitue le seul morcellement attesté. Ce bien semble avoir été tenu et transmis en commun.
Alain susdit semble devoir être Halanalt of Nettlestead et Geoffroy, son frère, être Geoffroy Boterel de Nettlestead ; cette hypothèse nous la formulons d’après l’existence d’une charte confirmant une donation faite par Geoffroy Boterel, fils de Geoffrey Boterel de Nettlestead, donation relative à la susdite virgate de terre assise en la dite Little Abington. La paroisse de Nettlestead est assise dans l’est du royaume, en le Suffolk (Halanalt est en effet une forme hypocoristique, un surnom, du nom breton Alan. Certains textes le disent être « possesseur » d’une « terre » assise en la paroisse de la Little Abington. A ce titre Halanalt sera donc, lui aussi pour Richemond, l’un des barons « tenant » du comte Alain de Bretagne seigneur du Penthièvre. Pour faire plus simple Alain sera l’un des « tenants » du dit comte Alain de Bretagne dans le Suffolk.
Nettlestead pendant toute une partie du XII siècle sera donc détenue par la famille Boterel, dont l’ancêtre, Alain Fitz Aiméric, ou notre Alain « fils d’Henry », notre souche « Lanvalei », y sera actif au début du XIIe siècle. Certaines chartes présentent « Halenalt de Nettlestead » comme ayant été gardien de l’un des châteaux de Richemond sous le règne d’Henri Ier.

Et tous deux seront également, il est vrai, possesseurs de celle-ci. Leur père à tous deux, le susdit Henry, aïeul de William 1er de Lanvalei, entra-t-il, lui aussi en la possession de Nettlestead puisque ses deux enfants y seront aussi « seigneurs » ? L’Histoire ne le dit pas.
Cependant, par ce bien seigneurial tenu en commun et par Alain (Halanalt) et Geoffroy Boterel de Nettlestead, il serait logique de le penser.
Alain, seigneur également de Sharpstone aussi dans le Suffolk, cette terre avec celle de Nettlestead relevant alors toutes deux avec la Little Abington de l’Honneur de Richemond, relevant lui-même de la Maison comtale de Penthièvre, était donc aussi possesseur en Nettlestead avec son frère. Tout laisse donc supposer, en effet, que leur père à tous deux, le dit Aimeric/Henry souche des dits Lanvalei/Lanvallay, reçut lui aussi Nettlestead peu avant ou peu après avoir reçu la Little Abington du roi Henri au lendemain de 1100.
D’ailleurs Jehan de Lanvalei, et cela avant même la procédure judiciaire de la Little Abington, sera le propre témoin d’Aldita, fille de Geoffroy Boterel, lui-même fils de Geoffroy Boterel de Nettlestead susdit.
Geoffroy Boterel susdit, père donc de la dite Aldita, offrira en effet à Radulfus filius d’Ernaldi, ou à Raoul fils d’Arnold si l’on préfère, 1 virgate de terre (1/4 de hide) assise, elle aussi, en la Little Abington.


Ah Little Abington ! lorsque tu me parles …

Après cette même donation le dit Raoul demandera à la dite Aldita de « confirmer » le don que lui fit hier son père ; pour ce faire Aldita aura alors en effet, pour témoin principal, Jehan de Lanvalei son propre cousin.
Et il sera dit en cette « confirmation » que Jehan de Lanvalei « était un autre seigneur » de Raoul fils d’Arnold. Ainsi Jehan de Lanvalei, aussi possesseur des dits 5 hides de terres assis en la Little Abington, sera le témoin de la dite Aldita Boterel lorsque celle-ci confirmera au dit Raoul, fils d’Arnold, la possession de la virgate de terre d’Abington offerte hier par son propre père.
Seigneur aussi du dit « Raoul fils d’Arnold » Jehan de Lanvalei était donc bel et bien, par la généalogie, également relié à Geoffroy Boterel de Nettlestead. Celui-ci de facto était son « grand oncle », était le propre frère de son aïeul « Alain Boterel dit Fils d’Aimerici ».
Geoffroy Boterel de Nettlestead susdit, souche donc des Boterel/Botrel/Boutreau d’Angleterre, seigneur de Nettlestead avec son frère « Alain Boterel fils d’Aimerici », seigneur aussi avec celui-ci en le Pays de Dol, baron toujours avec celui-ci de Gelduin seigneur de Dol/Combourg, féal encore avec celui-ci par leurs propres possessions du dit Alain de Penthièvre seigneur de l’Honneur de Richemond, sera cité en 1139 lors qu’il offrira à Saint-Melaine de Rennes une rente annuelle à prélever sur sa dite terre de Nettlestead. Sera alors témoin à ses côtés l’un des barons du dit Alain de Penthièvre ; sera témoin à ses côtés le « baron Aimerici ».

Doit-on voir, au travers de celui-ci, le dit Heymeri/Aimerici père de Jehan et d’Alain de Lanvalei ? Doit-on voir au travers de celui-ci le propre père d’Alveva, femme et compagne du susdit Simon Lebret spoliateur de la Little Abington ?
Cette rente se fera par l’intermédiaire du prieuré de Hatfield Regis « succursale ou dépendance » de Saint-Mélaine de Rennes ce prieuré recevant ce même don.


En 1160 William 1er de Lanvalei sera le « sénéchal de Rennes » pour Henri II ; en 1181 cela sera Renaut Boterel son parent lequel, fils de Pierre, était le propre fils de Geoffroy Boterel de Nettlestead susdit
Celui-ci, époux de Vigolent(a) eu, pour enfants, Geoffroy et le dit Pierre, puis William et Hammon Boterel ; Renaut susdit recevra de Conan IV la villa de East Witton en Richmondshire pour trois quart de fief de chevalier. William, pour ses propres faits et gestes, prendra pour épouse Alice Corbet, à savoir la propre Jjeune maitresse du roi Henri 1er d’Angleterre.
Alanus Boterel filius Aimerici semble donc devoir être notre Alain fils d’Henry, ce père attesté des tout premiers de Lanvalei mentionnés dans l’Histoire, eux-mêmes aussi seigneurs dans le Pays de Dol.
Le fait que la paroisse de Lanvallay fût, avant 1123, une enclave de l’évêché de Saint-Brieuc va-t-il dans le même sens ?

C’est en tout cas l’intuition partagée par la grande historienne anglaise K. S. B. Keats-Rohan.
Au lendemain de la mort du même Henry père d’Alain, le roi Henri Ier d’Angleterre accordera à Alain fils d’Henry la seigneurie de la Little Abington à titre héréditaire.
Cette terre demeurera dans la lignée des Lanvalei durant six générations entières.
Alain, grand-père de Jehan, d’Alveva et d’Alain II de Lanvalei (ce dernier étant également Alain Ier de Lanvallay/Tressaint), partagera un jour cette même paroisse entre deux de ses fils : William Ier de Lanvalei d’une part, et Heymeri (ou Almari) d’autre part, ce dernier étant le père d’Alain II.
Ainsi, les premiers seigneurs de Lanvalei/Lanvallay furent bien possesseurs de terres des deux côtés de la Manche : la Little Abington dans le Suffolk ; des biens tout proches des murs de Dol ; des fiefs relevant du seigneur de Dol/Combourg ; et des possessions foncières en la ville seigneuriale de Dinan, dont ils devinrent aussi les acteurs.
Sans cette procédure judiciaire postérieure, nous n’aurions sans doute rien su aujourd’hui de l’existence d’Alain II, ni de la véritable origine des de Lanvalei/Lanvallay.


La Little Abington : une mémoire anglaise

Un pan entier de la vie d’Alain nous échappe encore, et pourtant certaines ombres se dissipent grâce à un procès survenu bien après sa mort, dans lequel la mémoire de son nom ressurgit au détour d’un conflit foncier.
Ce litige, relatif à la paroisse de la Little Abington — possession seigneuriale située dans le Suffolk — a permis, rétrospectivement, d’éclairer la généalogie directe d’Alain, son implantation anglaise, et les liens profonds qu’il partageait avec la maison Le Bret par alliance.
Il ne s’agira pas ici d’en exposer tous les détails. L’enchevêtrement des chartes, des héritiers et des donations appelle un développement spécifique que nous avons traité dans un chapitre à part entière.
Le lecteur curieux ou soucieux de saisir l’ensemble de la structure familiale d’Alain, ainsi que la nature du conflit avec Simon Le Bret, beau-frère de l’un de ses fils, pourra s’y reporter :

👉 Le Bret, Abington & Waltham

Ce chapitre offre une reconstitution complète de la transmission de la Little Abington, du rôle de Henry, père d’Alain, jusqu’aux ramifications anglaises des Boterel et Lanvalei.
Il éclaire également le lien entre Alain et Geoffroy, son frère, possesseurs communs — semble-t-il — de cette terre.
Ainsi, entre Bretagne et Angleterre, la mémoire d’Alain s’inscrit dans un double héritage, celui des terres tenues de Richemond, et celui du sang mêlé aux plus anciennes lignées du Penthièvre.


Lanvalei, Flacheio, Subligny : l’alliance des cœurs et des terres

Au sein du tissu féodal du Pays de Dol aux XIe et XIIe siècles, plusieurs familles nobles ont noué entre elles des liens complexes d’alliances, de parenté et de fidélités croisées. Parmi celles-ci, trois lignages se distinguent par leur rôle structurant : les Lanvalei, les Flacheio, et les Subligny. Leurs relations tissées à travers les mariages et les donations ecclésiastiques révèlent un réseau solidaire et étroitement intriqué autour des grandes abbayes bretonnes et anglo-normandes, notamment Saint-Mélaine de Rennes, le prieuré de Combourg, et l’abbaye de Vieuville sous Dol.

1. Les Lanvalei : héritiers d’Alain fils d’Henry

La maison de Lanvalei, issue d’Alain fils de Henry, seigneur de la Little Abington en Angleterre, s’implante solidement de part et d’autre de la Manche. Alain, parfois désigné sous le nom de Halanalt de Nettlestead, est le père d’au moins deux fils : William Ier de Lanvalei, sénéchal de Rennes en 1166, et Heymeri, père de Jehan de Lanvalei, d’Alain II, seigneur de Lanvallay/Tressaint, et d’Alveva. Ces enfants forment une fratrie bien attestée dans plusieurs chartes du XIIe siècle, notamment lors du conflit opposant Jehan de Lanvalei à l’abbaye de Vieuville.

Jehan, cadet de la fratrie, est au cœur de nombreuses alliances seigneuriales :

– Il épouse la sœur de Ruellon de Flacheio, établissant ainsi une alliance directe avec la famille Flacheio.
– Il donne en mariage une de ses sœurs, Apollonius, à Radulfus de Flacheio, frère probable de Ruellon.

2. Les Flacheio : une famille ancrée entre Dol et Subligny

La famille Flacheio, dont les représentants majeurs sont Raoul (Radulfus) et Ruellon, est issue de Guillaume de Flacheio et d’Agnès de Subligny. Cette double ascendance leur permet de tisser des liens puissants avec la haute aristocratie bretonne et normande. Par leur mère, les frères Flacheio sont les neveux d’Hasculphe de Subligny, grand seigneur normand, lequel deviendra seigneur de Dol/Combourg par son mariage avec Iseult de Dol, fille du puissant Gilduin de Dol.

– Raoul de Flacheio épouse Apollonius, l’une sœur de Jehan de Lanvalei.
– Jehan de Lanvalei épouse la sœur de Ruellon de Flacheio.

Ainsi, les deux lignages se croisent deux fois par alliance, ce qui renforce leur solidarité politique et territoriale.

3. Les Subligny : l’ascension par Dol

La famille de Subligny s’enracine en Normandie mais acquiert une importance capitale en Bretagne par l’intermédiaire d’Hasculphe de Subligny, frère d’Agnès. En épousant Iseult de Dol, fille de Gilduin de Dol, Hasculphe prend possession du château de Dol et devient un pilier du pouvoir comtal dans la région. Il agit ainsi comme passeur entre la noblesse du Cotentin et celle de la haute Bretagne.

Cette ascension explique l’importance accordée par les Lanvalei et les Flacheio aux liens avec les Subligny :

– Les enfants de Guillaume de Flacheio et d’Agnès de Subligny, en s’alliant à la lignée de Lanvalei, insèrent leur lignage dans le jeu politique du Pays de Dol.
– Par effet miroir, les Lanvalei, héritiers d’un fief anglais, ancrent davantage leur présence en Bretagne grâce à ces alliances croisées.

4. Un réseau de pouvoir autour de Dol et Vieuville

Les documents analysés, notamment la charte de donation de Jehan à l’abbaye de Vieuville et les chartes juridiques concernant la Little Abington, montrent une solidarité très forte entre ces lignages. Tous participent au financement des abbayes, aux serments de paix, aux cessions de terres ou de droits seigneuriaux.
Leurs alliances sont plus que matrimoniales : elles forment une communauté politique féodale autour du pôle de Dol. Ce noyau nobiliaire, qui inclut Dol, Combourg, Lanvallay, et plusieurs possessions anglaises comme Nettlestead ou la Little Abington, reflète les logiques d’un pouvoir bicéphale, partagé entre royaume d’Angleterre et duché de Bretagne.
Cette structure, loin d’être occasionnelle, se prolonge sur trois générations au moins, et c’est par leur participation conjointe aux conflits, aux chartes, aux donations religieuses et aux mariages que les Lanvalei, Flacheio et Subligny ont tissé la trame de l’aristocratie dolente du XIIe siècle.


🕊️ La seconde épouse de Jehan : Christiana de Moleton

Une charte conservée dans les Curia Regis Rolls (vers 1205) nous livre un détail précieux sur les alliances tardives de Jehan de Lanvalei. Elle mentionne un accord conclu avec son cousin germain, William fils de William de Lanvalei, au sujet d’une moitié de la paroisse d’Abington, qui serait tenue en fief par Jehan et ses héritiers issus de sa seconde épouse, Christiana, sœur de Robert de Moleton. Si aucun enfant n’était issu de cette union, la terre devait retourner à William, contre une rente viagère annuelle de quatre marcs.
Cette charte, bien que juridique, éclaire un fait intime : Jehan avait pris en secondes noces une dame de la maison de Moleton. La lignée de cette famille anglaise reste à ce jour mal identifiée, et aucun document ne permet de mieux cerner la figure de Robert de Moleton, frère de Christiana. Il n’apparaît dans aucune autre charte connue à ce jour, ce qui rend difficile tout ancrage précis dans les généalogies nobles ou chevaleresques de l’époque.
Il n’en demeure pas moins que Christiana fut, elle aussi, l’une des belles-sœurs d’Alain de Lanvalei, seigneur de Lanvallay. Sa présence, même discrète, vient rappeler la complexité des mariages stratégiques à la croisée des possessions anglaises et bretonnes, et les soins particuliers accordés à la gestion successorale des terres, au sein même de la famille des Lanvalei.


🕊️ Le Pays de Dol et l’abbaye de Vieuville à Épiniac

Le litige et la réconciliation entre Jehan de Lanvalei et les moines de Vieuville

Jehan de Lanvalei, seigneur possessionné dans le pays de Dol et fils de Heymeri, petit-fils d’Alain fils d’Henry, entra à la fin de sa vie en conflit ouvert avec l’abbaye de Vieuville, fondée en 1137 sous les murs de Dol. Ce différend portait très certainement sur des revenus et des biens fonciers attachés à l’étang et à la terre d’Harel, autrefois donnés à l’abbaye par ses propres ancêtres.
Pour mettre fin à ce litige, Jehan fit deux donations solennelles et jura la paix sur l’autel de Dol.
Il céda tout d’abord aux moines la terre d’Harel (anciennement Harelleria, aujourd’hui la Hairière), s’étendant depuis le ruisseau du Guyoult jusqu’à la voie de Dol, ainsi que l’ensemble des hommes qui y étaient attachés, le tout libre de toute taxe. Cette terre se trouvait juste en face de l’abbaye, séparée d’elle uniquement par le Guyoult, ce ruisseau traversant la ville seigneuriale de Dol. Jehan affirma également avoir reçu ces terres de son neveu Hamon, fils aîné de son frère Alain, lequel les tenait lui-même de son père, dans la logique des droits d’aînesse.
Puis, dans une seconde charte, Jehan renonça expressément aux droits qu’il prétendait sur l’étang de Vieuville, nommé dans le texte stannum monachorum. Ce renoncement fut confirmé par serment public, prononcé non seulement par Jehan, mais aussi par trois témoins proches :

– Hamon, son cousin,
– Apollonius, sa sœur (époux de Radulphus Flacheio),
– et Guillaume fils d’Alain, présenté comme son oncle maternel (sans doute le frère de sa mère, non identifié à ce jour).

Les deux chartes, scellées par le chapitre cathédral de Dol, affirment clairement que Jehan cherchait à rétablir la paix avec l’abbaye, sans doute dans une démarche de réconciliation spirituelle précédant sa propre entrée en religion. Il se fit en effet moine dans cette même abbaye, où il fut inhumé.
On notera qu’au même moment, d’autres membres de sa famille étaient également engagés dans des donations et transactions : Hamon, son neveu, lui avait déjà cédé sa part de la Little Abington, tandis que Jehan concluait en 1209 un accord avec William III de Lanvalei — son petit-neveu — pour la rétrocession de cette seigneurie, au cas où aucun héritier ne naîtrait de son second mariage avec Catherine de Meleton, sœur du baron Robert de Meleton.
Ces donations croisées, les alliances avec les familles de Flacheio et de Subligny, et l’ancrage dans le pays de Dol confirment l’importance seigneuriale de la maison de Lanvalei/Lanvallay des deux côtés de la Manche.

Rappelons que Jehan avait eu auparavant une première épouse, sœur de Radulfus de Flacheio, seigneur apparenté à la maison de Dol/Combourg — ce qui confirme les alliances récurrentes de la lignée des Lanvalei avec les grandes familles féodales du Pays de Dol.
À sa mort, Jehan fut inhumé dans l’abbaye de Vieuville qu’il avait fini par réconcilier avec sa lignée. Peu de temps après lui, c’est Guillaume fils de Raoul, père du tout premier seigneur de Coëtquen, qui y fut inhumé à son tour.
Fondée en 1137 par Gilduin de Montsorel, seigneur de Landal et fils d’Hamon, l’abbaye de Vieuville fut longtemps placée sous la protection de Hasculphe de Subligny, seigneur de Dol et de Combourg, qui accepta cette fondation et s’y fit lui-même enterrer en 1197, le premier.

Début XX siècle.
L’abbaye de la Vieuville sous Dol
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Cliché M. A. Bonnesoeur, Artiste-Peintre et Photographe à Saint-Servan, Excursion Société Archéologique de Saint-Malo.

1137. Charte de fondation de l’Abbaye de Vieuville.
In nomine sancte et Individue trinitatis Ego Gelduinis filius Hamonis audiens paupertatis amatoribus regnum Coelorum hereditario jure ore veritatis esse promissumi si ejusdem paupertatis ant nolo, ant nequeo nudus interim executor existerei, ipsos saltem pauperes apud illum qui cum dines esset, pronobis pauper factus est, advocations et mediatores milii satago acquirere notum itaque sit omnibus Sancte matris ecclesie filiis tam modernis quam successuris  quod ego Gelduinus filius Hamonis pro salute anime mee et parentum meorum, sed et pro salute anime uxoris mee Adelize, et filiorum meorum atque filiarum, pro salute etiam domini mei Gofredi Dolensis archiepiscopi ipso quoque donante, et concedente, concedente etiam uxore mea Adeliza et filiis meis Johanne et Haimone, done et concedo Ecclesiae  Sanctae Trinitatis de Savigneio, et monachis ibidem deo militantibus in perpetuam elemosinam ad edificandam abbatiam omnem terram meam de Veteri Villa, ut meum p|prium [proprium ] domini cum, tam in campis, quam in pratis, aquis, et virgultis, sicut ab orientali et aquilonali parte vingitur [?]  vinulo  quodam qui vocatur Landal , ab occidentali nero, alio torrente  qui dicitur Tramidal, a parte quoq meridiana ex uno praedictorum Rinulorum in alium extat divisio dimdens illud Dominicum de Veteri villa a communi territorie Despiniac, dono etiam stagnum meum quod ex rivulo quem nominamus Landal, ibi colligitur…Dono insuper terram illam quae vocatur Bigoteria totam ex integro sicut clauditur metis suis… Hanc itaque donationem terrarum mearum solutam etc. quietam, etc. ab omni calumnia  etc. seculari exactione liberimam, etc. eleemosinarum lege perseuraturam dono et concedo, nihil in ea retinens nisi aeternam remune rationem, etc. contra  impugnatore ipsuis elemosinae defensionem, tali scilicet conditione, ut in ipsa etc. ex ipsa eleemosina  in Veteri villa Cenobiale domicilium construatur, etc. Abbatia secundum conditionem et consuetudines praefatae  Ecclesiae sancte Trinitatis ibidem fundetur. Cui etiam donationi duas partes decimae quas habeban in parrochia de Millac abomni exactione consuetudine et seculari liberas etc. quietas  adiungo. Duas etiam partes decimae dimidiae  parrochiae de Toumen omninos liberas…qua omnes donationes per manum domini meis Gauffridis Dolensis Archiepiscopi, de quo praefatas terras tenebam, Deo obtuli, ipse dominus meus iu manu Gauffridi  predictae Ecclesiae Abbatis illas misit. Quam etiam ellemosinam dominus meus Gelduin de Dolo devote concessit, eorumdem Monachorum porcis pastionem .in foresti suis quietam donavit . Non multo autem post tempore, convocata etc. congregata ad confecrandum in ipsa elemosina Cimiterium magna multitudine, istam elemosinae  donationem in hac ipsa Carta a domino meo Gauffrido Archiepiscopo, coram plebe recitatam, ipso donante etc. concedente, concedentibus etiam uxore mea, et filiis meis Johanne et Hamon, ego quoque coram omnibus concessi, etc. cum subscriptis concessoribus et testibus propria manu in hac carta confirmavi. Ipse etiam dominus meus Archiepiscopus propria manu confirmavit, omnesque eleemosinas amatorum et benefactorum aeterna benedictione et Episcopali absolutione sublimavit. Illos autem qui eam molestare aut violare tentaverint, anathematis gladio a corpore Ecclesiae praescindendos, etc. nisi resipuerint aeternae, damnationis maledictionis adjudicavit. Quod factum est anno ab incarnatione domini millesimo centepsimo trigesimo septimo, mense Augusto, 6. Idus ejusdem mensis, Archipraesulatus autem domini Gauffridi Dolensis Archiepiscopi anno septimo, coram plebe etc. subscriptis testibus. testes magister Huberius canonicus; Jordanus; Robertus canonici de Dolo; Robertus Anglicus scriptor Archiepiscopi;  Radulfus  de Combour.

🕊️ Charte de fondation de l’abbaye de Vieuville (1137)

Au nom de la sainte et indivisible Trinité.
Moi, Gelduin, fils de Hamon, ayant entendu qu’aux amants de la pauvreté le Royaume des Cieux est promis en héritage par la bouche même de la Vérité, et comme je ne veux, ni ne puis, me faire nu exécuteur de cette pauvreté, je m’efforce du moins d’acquérir pour moi les pauvres comme intercesseurs et avocats auprès de Celui qui, étant riche, s’est fait pauvre pour nous.
Qu’il soit donc notoire à tous les enfants de la sainte mère Église, tant présents que futurs, que moi, Gelduin, fils de Hamon, pour le salut de mon âme, de celle de mes parents, de mon épouse Adelize, de mes fils et de mes filles, et pour le salut aussi de mon seigneur l’archevêque Geoffroy de Dol, avec son consentement et sa donation, avec aussi le plein accord de mon épouse Adelize, et de mes fils Jean et Hamon, je donne et concède à l’Église de la Sainte-Trinité de Savigny, et aux moines qui y servent Dieu, en aumône perpétuelle pour l’établissement d’une abbaye, toute ma terre de Vieuville (Vetere Villa) comme mon propre domaine seigneurial, tant dans les champs que dans les prés, les eaux, les bois, comme elle est bornée :

– à l’est et au nord par un petit ruisseau nommé Landal,
– à l’ouest par un autre torrent nommé Tramidal,
– au sud enfin, la séparation se fait aussi d’un de ces deux ruisseaux à l’autre, séparant le domaine seigneurial de Vieuville du territoire d’Épiniac.

Je donne aussi mon étang, formé par le ruisseau de Landal,
Et de plus la terre nommée Bigoteria, en son entier, dans ses limites propres.
Je concède ainsi toutes ces terres, de façon libre et pure, affranchies de toute réclamation séculière, en aumône parfaite, sans rien y retenir que l’espérance d’une récompense éternelle.
Cette donation est faite à condition expresse qu’une abbaye soit construite en ce lieu même de Vieuville, selon les usages de la maison-mère de Savigny.
J’y ajoute aussi les deux parts de dîmes que je possède dans la paroisse de Meillac, et deux parts de dîmes dans la demi-paroisse de Toumain, toutes libres de toute charge.
J’ai offert cette donation entre les mains de mon seigneur Geoffroy, archevêque de Dol, de qui je tenais auparavant ces terres. Celui-ci a transmis ces biens à l’abbé Geoffroy de Savigny, et mon suzerain Gelduin de Dol, dévotement, a confirmé cette donation. Il a aussi accordé aux moines le droit de pâture pour leurs porcs dans ses forêts, sans restriction.
Peu de temps après, une grande assemblée fut convoquée pour consacrer le cimetière de cette fondation. En cette occasion, la charte fut lue publiquement par l’archevêque Geoffroy devant le peuple rassemblé. Ma femme et mes fils Jean et Hamon, présents, confirmèrent leur accord. Moi-même, de ma propre main, j’ai confirmé cette donation, ainsi que mon suzerain l’archevêque, qui donna sa bénédiction épiscopale à tous les bienfaiteurs et amis de cette fondation.

Quant à ceux qui oseraient la troubler ou la violer, il les condamna au glaive de l’anathème, les retranchant du corps de l’Église, et les livrant, s’ils ne se repentent, à la malédiction de la damnation éternelle.
Fait l’an 1137 de l’Incarnation du Seigneur, au mois d’août, le 8 août (6e des Ides), en la septième année du pontificat de Geoffroy, archevêque de Dol, en présence du peuple, et des témoins soussignés :
– Maître Huberius, chanoine,
– Jordanus,
– Robertus, chanoines de Dol,
– Robert l’Anglais, scribe de l’archevêque,
– Raoul de Combourg.

Vieuville
Photographie Artur Guy.
Vieuville
Photographie Jean-Jacques Rioult



L’enracinement seigneurial autour de Vieuville

Les Montsorel, initiateurs de l’abbaye de Vieuville en 1137, occupaient une position charnière dans le maillage féodal du pays de Dol.
Gelduin de Montsorel, fondateur de l’abbaye, était fils d’Hamon de Landal. Son épouse, Adeliza, ainsi que ses deux fils, Jean et Hamon (noms récurrents dans les cercles dolois), participèrent pleinement à la donation.
Ce même Gelduin tenait la seigneurie de Vieuville directement de son suzerain et seigneur naturel : Geoffroy, archevêque de Dol. Il appartenait donc à cette aristocratie à la fois féodale et ecclésiale qui gravitait autour du pouvoir spirituel et temporel de Dol-Combourg.
Les Flacheio, eux, sont liés tant aux Montsorel qu’aux Subligny par des mariages répétés.
Radulfus et Ruellan de Flacheio, tous deux cités aux côtés de Jehan de Lanvalei dans plusieurs chartes, sont vraisemblablement les fils de Guillaume de Flacheio et d’Agnès de Subligny.
Leur oncle maternel, Hasculphe de Subligny, devint seigneur de Dol/Combourg par mariage avec Iseult de Dol, fille de Gilduin.

Par ces croisements, les Flacheio se trouvent à la charnière des trois sphères du pouvoir local : la lignée de Dol, les terres de Combourg, et le réseau bénédictin de Vieuville.
La famille Le Chat, dont plusieurs membres sont bienfaiteurs de Vieuville, est liée par alliance à la famille de Dol et possédait des terres en Guguen, La Fresnaye et Dol même. Elle représente cette noblesse dite de « deuxième rang », dont l’influence repose autant sur les alliances matrimoniales que sur la gestion de domaines ruraux puissants.
Les familles du Chalonge, d’Aubigné, d’Apigné et de l’Espine ont elles aussi participé aux dons en faveur de l’abbaye de Vieuville.
Leurs possessions les rattachent au sud du Franc-Régaire de Dol, souvent en lien avec les prieurés de Combourg et de Saint-Magloire. On note aussi que certaines branches se retrouveront par alliance dans la suite des donations faites à l’abbaye de Saint-Jacut et à celle de Saint-Melaine de Rennes.

 

L’ancienne abbaye de Vieuville.
Presque entièrement reconstruite au XVI siècle, au travers de ses différents bâtiments conventuels, presque entièrement disparue aujourd’hui, il ne reste plus de nos jours que les derniers vestiges d’une salle voutée du XII siècle, l’aile occidentale et son prolongement de communs, l’aile centrale et l’aile orientale avec son pan de mur encore en élévation. 
Propriété privée.

L’abbaye de Vieuville, au XIIe siècle, est indissociable des grandes familles seigneuriales du pays de Dol, telles que les Le Chat, les Du Chalonge, les Flacheio, les Aubigné, les Apigné, les De l’Espine, toutes financièrement prolifiques envers celle-ci. Par les liens du sang ou du mariage, certaines d’entre elles s’uniront à la maison seigneuriale de Dol — tel sera le cas des Flacheio, intimement liés aux Subligny puis aux Lanvalei.
Parmi ces familles notables, il ne faut pas oublier les Coëtquen, puissants seigneurs rattachés à la fondation du couvent des Jacobins de Dinan. Leur histoire croise celle de Vieuville en des circonstances à la fois politiques, spirituelles et profondément humaines. Guillaume, dit fils de Raoul, père d’Olivier Ier de Coëtquen, rendra son dernier souffle au prieuré du Pont à Dinan, situé dans la paroisse de Lanvallay. À l’instant de sa mort, c’est l’abbé même de Vieuville sous Dol qui sera appelé en la maison de Dinan, dans la Maison du prieuré de la Madeleine, pour accompagner Guillaume dans ses ultimes instants. Son corps sera ensuite transféré à Vieuville, où il recevra la sépulture.
Son autre fils, Rolland, revenu malade du pays cathare, succombera peu après et sera inhumé, lui aussi, à Vieuville.

Olivier Ier de Coëtquen, héritier de cette lignée, possédait en Lanvallay les vignes, le pressoir, les droits de taille et les droits de table, signes manifestes d’un pouvoir seigneurial héréditaire sur la terre même de l’ancien Lanvava. Il fut, comme plusieurs de ses ancêtres, bienfaiteur de l’abbaye de Vieuville.…Oliverius de Qoiqen filuis Guillelmi filii Radulfi… 1223.  …et haeres notum facio quod Guillelmi pater meus in infirmatate qua mortuus est vocavitad fe Abbatem Veteris villae apud Lanvalei…
Enfin, Jehan de Lanvalei, dernier de sa lignée, frère puîné d’Alain de Lanvallay, se fit lui-même moine à Vieuville. Il y termina sa vie, et c’est en ce lieu qu’il fut inhumé, non loin de ceux qui partagèrent avec lui les chemins de l’histoire et du cœur.


Origines des Lanvalei / Coëtquen

Les Sires de Coëtquen, en leurs écrits, auront toujours la prétention de descendre de Riwalon, de Riwallon le Roux, frère de Geoffroy Ier de Dinan. Il est vrai qu’ils auront toujours la prétention d’être les véritables auteurs de l’édification du Couvent des Jacobins de Dinan.
Il est vrai aussi que l’Histoire n’a retenu de celui-ci l’existence d’aucun enfant.
Et pourtant apparaîtra un tout petit peu plus tard, exactement à la génération suivante, un certain Radulfus filius Rivellonis, ou Raoul fils de Riwallon ; celui-ci sera en effet le témoin d’Olivier II de Dinan, neveu du même Riwallon le Roux, lorsque celui-ci offrira une donation assise à Saint-Suliac. C’est la seule charte citant Radulfus, né vers 1100, celui-ci voyant le jour à peu près à la même époque à laquelle sera voulu, par Geoffroy Ier de Dinan, le prieuré du Pont à Dinan.
En l’abbaye de Vieuville sera aussi inhumé, peu après, Guillaume fils de Raoul, le propre père d’Olivier Ier, seigneur de Coëtquen (celui-ci aura deux frères puînés, Rolland et Raoul). Guillaume, fils de Raoul, rendra en effet son dernier souffle en la Maison du Pont à Dinan, en la paroisse de Lanvallay.

Pourquoi en celle-ci ?
Guillaume, fils de Raoul, avait pris pour épouse Denise de Dol, la propre fille du seigneur de Dol/Combourg, rattachant ainsi, lui aussi, sa future lignée aux seigneurs de Dol/Combourg. Pour recevoir ce dernier souffle, l’abbé de Vieuville viendra personnellement en notre petit prieuré.

Rolland, susdit, frère d’Olivier Ier de Coëtquen, fils et petit-fils donc des susdits Guillaume et Raoul, tombera gravement malade à son retour du pays cathare ; il sera également inhumé en l’abbaye de Vieuville, sous Dol, au côté de son père, Guillaume, fils de Raoul.

Certains historiens ont présenté le cimetière du prieuré du Pont à Dinan comme étant le lieu de sépulture des tous premiers seigneurs de Coëtquen ; cela est faux. Deux d’entre eux rendront seulement leur dernier souffle en notre paroisse, en Lanvallay.
L’abbaye de Vieuville, lieu de sépulture de quelques-uns de ces mêmes seigneurs, il est vrai, recevra également une ou deux donations des seigneurs de Coëtquen.
Raoul, père de Guillaume, et aïeul d’Olivier Ier, est né à la même ligne générationnelle que le dit Heymeri, fils d’Alain, père des dits Alain, Jehan et Alveve de Lanvalei. Olivier, en 1219, reconnaîtra être, et cela par ses propres ancêtres Guillaume et Raoul, possesseur de certains biens assis en Lanvallay, au Pont à Dinan.
De facto, Raoul, père de Guillaume, voit le jour deux générations après la fondation du prieuré du Pont à Dinan, Riwallon le Roux offrant, pour ce faire, des terres en sa possession, terres qui seraient aujourd’hui assises en Lanvallay.

La paroisse de Lanvallay en tant que telle, ou en tant que seigneurie, ne sera nullement citée lors de cette fondation, malgré la présence, comme témoins de l’affaire bien sûr, de Picot de Landa Boilo et de Berhaudus de Lanvava.

Tous deux possesseurs de biens seigneuriaux assis également en Lanvallay, Raoul — dixit Olivier de Coëtquen son petit-fils — et Heymeri — par son propre fils Alain de Lanvalei/Tressaint — furent-ils liés l’un à l’autre par un lien familial bien précis ?
Il est vrai que Heymeri, susdit, baron donc du comte Alain de Penthièvre, témoin éventuel du dit Geoffroy Boterel de Neetleastead, et fils de « Alain fils d’Henry » (Alanus Boterel filius Aimerici), eut pour frères William Ier et Raoul Ier de Lanvalei, tous deux seigneurs en Angleterre. Raoul susdit sera seigneur de Blagrave en Lambourde pour Josselin de Dinan lui-même, c’est-à-dire pour le propre fils de Geoffroy Ier de Dinan, ou bien le propre neveu du dit Riwallon le Roux, ou encore le frère du dit Olivier II de Dinan.
Y aurait-il également, là aussi, un lien de parenté quelconque ayant pu unir les premiers seigneurs de Lanvalei aux seigneurs de Dinan ? Henry, père d’Alain, ayant vu le jour, quant à lui, à la même ligne générationnelle que celle des dits Geoffroy Ier de Dinan et Riwallon le Roux.

Si vraiment cela fut, alors cela ne put l’être qu’à la génération suivante. À savoir après celle des susdits Geoffroy Ier de Dinan et Henry père d’Alain. Cela ne put l’être, il est vrai, que du vivant même d’Alain, fils d’Henry (Alanus Botrel filius Aimeri).
De fait, des différents enfants que « Alain fils d’Henry » eut, à savoir le dit Heymeri (apparemment l’aîné de sa fratrie et père d’Alain et de Jehan de Lanvalei), et les deux susdits William et Raoul, seuls ces deux derniers seront nommés « de Lanvalei ». Pourquoi cela ?
À ce titre, et à ce titre seulement, « Alain fils d’Henry » semble donc bel et bien devoir devenir, un beau matin, « Alain de Lanvalei », le tout premier seigneur dit « de Lanvalei ». Cela se fera entre la naissance de Heymeri, son aîné, et celles des dits William et Raoul, tous deux très probables cadets.

Nous devons donc ici nous poser certaines questions, et que celles-ci : comment « Alain fils d’Henry », ou Alanus Boterel filius Aimerici, ou Halanalt de Neetleastead, ou encore Alain Ier de Lanvalei, entra-t-il en possession de terres ayant appartenu au dit Riwallon le Roux, frère de Geoffroy Ier de Dinan ?
Ou comment Alanus Boterel filius Aimerici entra-t-il en possession de la paroisse de Lanvallay ?
Et comment Raoul, père de Guillaume, aïeul donc d’Olivier Ier de Coëtquen, entra-t-il, lui aussi, en possession de tout un ensemble de terres vinicoles également assises en la paroisse de Lanvallay ?

Pour répondre à la première de ces deux questions : Alain Ier de Lanvalei, Riwallon le Roux ayant peut-être eu pour fils le dit Radulfus filius Rivellonis, aurait-il pu prendre pour épouse une enfant, elle aussi supposée, née de Riwallon ?
Rappelons ici qu’Alain Ier de Lanvalei, père du dit Heymeri, aura pour fils le dit Alain II / Alain Ier de Lanvallay / Tressaint, lui aussi possesseur d’une terre assise au sein même de la ville de Dinan.
Et pour répondre à la deuxième question : est-ce que le dit Raoul, père de Guillaume, aïeul donc d’Olivier Ier de Coëtquen, aurait pu avoir pour père le susdit Raoul fils de Riwallon (Radulfus filius Rivellonis) lui-même supposé fils du dit Riwallon le Roux ?
Ainsi, et si cela était, alors les tout premiers seigneurs de Lanvallay / Coëtquen auraient été unis l’un à l’autre par les deux propres enfants supposés du dit Riwallon le Roux, celui offrant, vers 1100, des terres alors en sa possession pour l’édification du prieuré du Pont à Dinan, assis en la paroisse de Lanvallay.


Olivier Ier de Coëtquen et les terres de Lanvallay : un litige, une origine partagée ?

Olivier susdit, lui-même aussi « acteur » de la fondation des dits Jacobins de Dinan avec Alain son parent, sera possesseur en effet de toutes les terres pleines de vignes s’étirant entre la Rance et les hauteurs de Lanvallay, entre l’actuelle montagne de la Courbure et le bourg de Lanvallay.
Les descendants d’Olivier, pendant plusieurs siècles, se disputeront avec leurs parents nés « de Lanvallay », chacun revendiquant le titre de « véritable fondateur » des Jacobins de Dinan. De facto, ces deux maisons seigneuriales, parentes l’une de l’autre, furent en vérité toutes deux conceptrices de cette fondation.
Olivier, par droit d’hérédité, possédait aussi, au plus près de la Rance, des terres séparées les unes des autres par des fossés. Il possédait également, de droit seigneurial, le pressoir du prieuré du Pont à Dinan, situé en Lanvallay.
À quel titre ?
Tout cela sera précisé en l’année 1219 lors d’un acte de procédure judiciaire l’opposant à notre petit prieuré. Décidément…
Olivier réclamera également à la paroisse de Lanvallay un droit de table lors de ses moult venues ; il sera débouté de cette prétention, reconnaissant au prieuré toutes les dîmes jadis offertes par ses ancêtres.

En 1219, un seul de ses frères est cité comme témoin de cette procédure : Raoul. Rolland, son autre frère, faisait alors la guerre en pays cathare aux côtés de leur parent Alain II de Lanvallay/Tressaint.

Quels furent les liens généalogiques exacts ayant alors uni ces deux parents — Alain de Lanvallay et Olivier Ier de Coëtquen — pour qu’Olivier soit lui aussi seigneur en Lanvallay ?
La réponse apportée dans nos précédentes recherches semble pouvoir être retenue.

NB :

  • Alain, en pays cathare, ne laissera aucune trace personnelle à Lanvallay. De retour, il fondera les Jacobins, deviendra moine, puis partira prêcher à Orléans. De ses deux fils connus — Hamon l’aîné et Guillaume — seul Hamon lèguera certains de ses biens à son oncle Jehan. Ainsi Jehan entrera-t-il en possession de la terre d’Harel (la Hairière), des étangs, et de la moitié de la Little Abington.

Pourquoi Hamon prit-il une telle décision ?

  • Jehan, de son côté, eut plusieurs enfants de sa première épouse, sœur de Radulfus et de Ruellan de Flacheio, tous deux écuyers normands, parents d’Hasculphe de Subligny (seigneur de Dol/Combourg via son mariage avec Iseul de Dol, fille héritière de Jehan de Dol). Lors des donations à Vieuville, certaines filles de Jehan vivaient à Rennes avec leurs enfants.

Jehan et Alain, fils d’Heymeri, avaient trois sœurs :

  • L’une, Alvève, présente en Angleterre épousera Simon le Bret « père », auteur de la spoliation de la Little Abington. celui-ci grand bienfaite de l’Abbaye de Waltham, sera seigneur notamment de Wrangle sur la côte EST d’Angleterre.
  • Deux autres seront établies à Rennes. Et l’une, nommée Apollonius, épousera Radulfus de Flacheio. Jehan épousera la sœur de Ruellon de Flacheio frère probable du précédent. Radulfus de Flacheio, ou Raoul du Flachet, était possesseur de biens en la paroisse de Saint-Broladre. Avec la sœur de Jehan de Lanvallay Radulfus aura un fils, Guillaume Boterat …Willelme Boterat filius de Radulfus de Flacheio…lequel de sa charge sera bouteiller de Dol. Guillaume devra 10 chevaliers à l’Ost du duc.
  • La paroisse de Lanvallay, au lendemain de la fondation du prieuré (incluse), relevait de l’évêché de Saint-Brieuc. Cela est confirmé par un recensement papal des biens des évêchés de Dol et de Saint-Malo de l’Isle. Tressaint, pour sa part, relevait logiquement de Dol.


Universis, etc; Radulfus de Albineio etc. Ego testificor Willelmus Boterat filium Radulfus de Flacheio dedisse abbati et conventui Sancto Michaelis clausturam muri et terram etc. juxta domum Monachorum Sancto Broladrii etc. Ipse cruce signatus era et iter suum aggredit properabat, et terram suam de manu Dolensis Episcopi receperat et ab eo tenebat, et aetatem habebat, et ut res et ejus facta stabilitatem haberent, ejus sugillo confirmavit , et tunc temporis non eram nisi ejus Senescallus. Titre du Mont-Saint-Michel.
Traduction : À tous ceux qui liront cette présente charte, salut.
Moi, Radulfus d’Aubigny, atteste que Guillaume Bouterat, fils de Radulfus de Flacheio, a donné à l’abbé et aux moines de Saint-Michel le clos de mur et la terre situés près de la maison des moines de Saint-Broladre.
Ce Guillaume, alors croisé, s’apprêtait à entreprendre son voyage, et il avait reçu cette terre des mains de l’évêque de Dol et la tenait de lui.
Il était majeur, et pour que ses biens et sa donation aient toute stabilité, il la confirma de son propre sceau.
À ce moment-là, je n’étais encore que son sénéchal

📜 Guillaume Bouterat, croisé et neveu de Jehan de Lanvalei

Vers 1220, Guillaume Bouterat, fils de Radulfus de Flacheio et neveu de Jehan de Lanvalei, fit don à l’abbaye du Mont-Saint-Michel d’une terre située tout près de la maison des moines à Saint-Broladre, en pays de Dol.
🌿 Ce don fut réalisé juste avant son départ pour la Terre sainte. Guillaume, déjà croisé, avait reçu cette terre de l’évêque de Dol et la tenait directement de lui. Il confirma solennellement la donation sous son sceau, en présence de Radulfus d’Aubigné, alors simple sénéchal à son service.

Ce court acte révèle bien plus qu’il n’y paraît :
🔹 Il confirme la présence foncière des Lanvalei à Saint-Broladre, cœur du pays de Dol.
🔹 Il éclaire les liens de sang entre les Lanvalei et les familles seigneuriales de Dol, notamment les de Flacheio.
🔹 Il montre aussi l’importance de ces lignages dans le grand mouvement religieux et chevaleresque du temps.

🕊️ Ainsi, ce neveu de Jehan de Lanvalei, s’en allant prier et combattre en Orient, nous lègue aujourd’hui un précieux écho d’un monde où la foi, la terre et le sang étaient noués comme nos deux mains.


Au tout début du xii siècle pourquoi alors toute la paroisse de Lanvallay, en face de Dinan, représentait-elle une enclave de l’évêché de Saint-Brieuc, autrement dit des seigneurs du Penthièvre ?
Avant sa disparition en 1123, Jean, évêque de Saint-Brieuc, proposera une lettre de rémission à tout donateur, afin de pallier la pénurie financière empêchant l’achèvement de l’église du prieuré du Pont à Dinan.

La plaine s’étirant sous les murs de Montségur.
 Origines croisées des Lanvalei et des Coëtquen

(Une hypothèse, un héritage, un sang partagé)

Plusieurs éléments convergents permettent de formuler une hypothèse sur une double descendance supposée de Riwallon le Roux, frère de Geoffroy Ier de Dinan : une descendance qui unirait, dans une même origine, les toutes premières lignées seigneuriales de Lanvallay.

 Côté Coëtquen

Les Sires de Coëtquen prétendent descendre de Riwallon le Roux. L’Histoire, pourtant, ne retient de lui aucun enfant.
Et pourtant, à la génération suivante, apparaît un nom rare et précieux : Radulfus filius Rivellonis, ou Raoul fils de Riwallon. Il est témoin d’Olivier II de Dinan, lorsque celui-ci fait une donation à Saint-Suliac.
Radulfus est né vers 1100, au moment même où Geoffroy Ier fonde le prieuré du Pont à Dinan.
Plus tard, Guillaume fils de Raoul — père d’Olivier Ier de Coëtquen — rendra son dernier souffle dans la maison du prieur du Pont à Dinan, en Lanvallay, avant d’être inhumé à Vieuville sous Dol.
Son fils Rolland, malade de retour d’Albi, y sera inhumé également.
La souche Coëtquen est donc intimement liée à la paroisse de Lanvallay, non seulement par ses terres mais par ses morts.
Guillaume avait épousé Denise de Dol, fille du seigneur de Dol/Combourg, rattachant ainsi sa lignée à celle des Dol.

 Côté Lanvalei

La même terre de Lanvallay est associée, à la même époque, à Heymeri, fils d’Alain, lui-même fils de Henri (ou Aimerici, ou encore Alanus Boterel filius Aimerici).
Heymeri, baron du comte Alain de Penthièvre, est le père d’Alain II et de Jehan de Lanvalei.
Mais voilà : seuls ses deux frères cadets — William Ier et Raoul Ier — seront dits « de Lanvalei » dans les chartes anglaises. Ce qui laisse penser qu’Alain, leur père, aurait reçu ce toponyme de Lanvalei entre la naissance de son aîné Heymeri et de ses deux cadets.

 Deux hypothèses essentielles :
  1. Alain de Lanvalei aurait pu épouser une fille (supposée) de Riwallon le Roux, accédant ainsi par alliance à une partie des terres seigneuriales de Lanvallay.
  2. Raoul, père de Guillaume de Coëtquen, pourrait être le fils direct de Radulfus filius Rivellonis, donc petit-fils de Riwallon le Roux.
 Une même origine ?

Si ces hypothèses se confirment, alors les premiers seigneurs de Lanvallay — Coëtquen et Lanvalei — seraient issus d’un même tronc généalogique : deux enfants supposés de Riwallon le Roux, celui-là même qui, vers 1100, offrit les premières terres pour fonder le prieuré du Pont à Dinan.
Lanvallay ne serait plus seulement un territoire féodal partagé.
Il deviendrait alors le cœur silencieux d’une transmission oubliée, celle d’un sang ancien, issu d’un frère effacé de l’histoire, mais bien vivant dans ses descendants.


Quand deux chartes anciennes révèlent, sept siècles plus tard, le nom oublié d’une mère

Il arrive parfois qu’une lumière surgisse des ombres les plus anciennes.
Deux actes, presque anodins, conservés dans les archives de l’abbaye de Vieuville sous Dol, nous offrent aujourd’hui une révélation insoupçonnée : le nom de la mère de Jehan et Alain de Lanvalei, seigneurs de Lanvallay au tournant du XIIIe siècle.

📜 La première est une charte de donation, dans laquelle Jehan, frère puîné d’Alain, cède à l’abbaye de Vieuville la terre d’Harel près de Dol. Un oncle y est cité expressément comme témoin : Guillaume, fils d’Alain. Il est qualifié comme tel du côté maternel, ce qui implique que sa sœur est bien la mère des deux frères Lanvalei.
📜 La seconde est une charte judiciaire émanant du seigneur Radulfus d’Aubigné. Elle relate un litige féodal autour du pré de Travidal, opposant les moines de Vieuville aux héritiers de ce même Guillaume, fils d’Alain. Ces terres jouxtaient alors celles de l’abbaye — et la proximité géographique renforce ici la proximité familiale.
Ces deux chartes, croisées ensemble, permettent aujourd’hui de poser une hypothèse sérieuse :
👉 La sœur de Guillaume fils d’Alain — héritière de Travidal — fut l’épouse d’Heymeri, et donc la mère de Jehan et Alain II de Lanvalei, les premiers seigneurs attestés de Lanvallay/Tressaint.

Mais ce n’est pas tout.

Ces filiations dessinent peu à peu une architecture noble et cohérente autour de la Maison de Lanvalei, que l’on découvre au cœur des cercles d’influence dolois. Ils ne furent pas seulement des seigneurs locaux :
Ils évoluent, tournoyant comme des planètes autour de trois fonctions essentielles du pouvoir breton :
⚜️ Le Voyer, garant des chemins et passages nobles ;
⚜️ Le Pincerne, maître des banquets et de la table ducal ;
⚜️ Le Bouteiller, dépositaire du vin et de l’autorité seigneuriale.

La famille de Flacheio, alliée des Lanvalei par plusieurs mariages, donna au diocèse de Dol Guillaume Bouterat, bouteiller de Dol, fils de Radulphus de Flacheio et d’une sœur de Jehan de Lanvalei. Ce même Guillaume Bouterat devait 10 chevaliers à l’Ost du duc. Les Lanvalei étaient donc intimement liés aux grandes charges de la cour féodale et ecclésiastique.
Ainsi, à travers quelques lignes latines grattées sur du parchemin, l’histoire d’une mère oubliée, celle d’une famille d’élite, et celle d’une enclave briochine aux portes de Dinan reprennent aujourd’hui vie.
Et c’est ensemble, unis par l’amour de l’Histoire et celui du Vivant, que nous vous la partageons.

1844
Les Jacobins de Dinan
Plan de reconstitution du tissus urbain personnellement réalisé
.


Alain de Lanvallay au temps des Albigeois : âge, légende, vérité

Lorsqu’éclate la guerre contre les Albigeois vers 1208–1216, Alain de Lanvallay approche la cinquantaine. Selon la procédure judiciaire concernant le litige de la Little Abington (voir le chapitre correspondant), sa naissance peut être située autour de 1160–1170. En 1216, l’historien Du Paz confirme qu’il prend la croix avec Pierre Giraud, évêque de Saint-Malo, pour combattre l’hérésie dans le Midi.
Il aurait donc environ 46 à 56 ans lorsqu’il quitte ses terres pour la croisade, à la tête de ses hommes. Il est alors seigneur de Lanvallay et de Tressaint, et fondateur, selon la tradition, du couvent des Jacobins de Dinan.
La procédure judiciaire précitée nous apprend aussi qu’Alain est l’aîné de Jehan de Lanvalei, ce dernier étant le donateur de la terre d’Harelia (assise à Dol) à l’abbaye de Vieuville. Jehan y ajoute les hommes y étant attachés ainsi que des mines d’étain. Cette donation intervient à la suite d’un litige avec les moines de l’abbaye, en guise de réconciliation. Présent à ses côtés lors de cet acte : William Ier de Lanvalei, dit « l’oncle de Jehan ».
Jehan se fera moine à Vieuville et y sera inhumé, peu après Guillaume fils de Raoul, père d’Olivier Ier de Coëtquen. Guillaume meurt à Lanvallay, dans la maison du prieuré du Pont à Dinan.
La procédure révèle également que Jehan hérita de ces biens de son neveu Hamon, fils d’Alain, par transmission directe d’aînesse. Hamon, fils aîné d’Alain, semble avoir cédé ces terres à son oncle, peut-être sans postérité.
Jehan est le fils d’Heymeri, lui-même fils d’Alain Ier de Lanvalei (ou Alanus Botrel filius Aimerici). Il est le frère d’Alain (le croisé), d’Alveva (épouse de Simon le Bret), d’Appollonia (épouse de Radulfus de Flacheio), et époux en premières noces de la sœur de Ruellon de Flacheio. En secondes noces, Jehan épousera Catherine de Meleton.

Du Paz, dans son Histoire de Bretagne (1619), rapporte une tradition légendaire sur Alain. Celui-ci, croisé en 1216, se joint à l’armée de Simon de Montfort et assiste aux prédications de Saint Dominique. Touché par la ferveur et les miracles attribués au Rosaire, il s’y consacre corps et âme. Une légende le voit sauvé d’une armée hérétique par l’intervention divine de cent cinquante pierres venues du ciel — une vision spirituelle et symbolique du Rosaire.

De retour à Dinan, Alain, riche et pieux, fonde le couvent des Frères Prêcheurs. Peu après, il y prend l’habit, devient prédicateur itinérant, et finit ses jours à Orléans. Il est inhumé devant l’autel de la Vierge, les mains et la bouche devenues translucides comme du cristal, dit-on, pour avoir tant prié le Rosaire.
Les titres du couvent des Jacobins de Dinan mentionnent clairement qu’Alain était seigneur des terres de Lanvallay et Tressaint, et que le couvent fut bâti sur ses propres terres.
Par cette trajectoire, mêlant réalité féodale, engagement spirituel et légende vivante, Alain de Lanvallay incarne à la fois le chevalier breton, le croisé fervent, et le fondateur d’un lieu de prière devenu mémoire.


Alain fut un sage chevalier, non moins pieux et religieux que vaillant, hardy et courageux. C’est lui qui fut le fondateur du conuent des Frères Prêcheurs de Dinan. Conuent dis-je qui a toujours nourry, produit et fourny des hommes excellens et renommez, tant pour l’intégrité de sa vie, que pour leur seavoir et doctrine. Voicy la cause de la fondation dudit conuent. Cet Alain de Lanvallay en 1216, se croisa avec Pierre Giraud Grand Euesque de Sainct-Malo, et alla contre les Heretiques Albigeois auec une troupe de gendarmes et de soldats du temps que Saint-Dominique Patriarche, auteur et fondateur de l’Ordre des Frères Prêcheurs, preschoit et combatoit avec l’espée de la prédication et glaive de la parolle de Dieu, qui est plus coupant et tranchant qui n’est  l’espée materielle qui tranche des deux costez, contre lesdits Albigeois ès parties de Languedoc et de Tolose. Et contre iceux mesmes le devot Simon comte de Mont-Fort l’Amauri combatoit avec des armes materielles. J’use du mesme discours du pere Louys de Grenade.  Il y auoit en son armée un certain seigneur natif du pays de Bretagne près la ville de Dinan, nommé Alain de Lanvallay, lequel ayant assisté à la predication de St-Dominique, qui louoit et preschoit hautement les excellences de la confrerie du Rosaire de la Bienheureuse Vierge-Marie, se delibera, comme aussi il l’executa, de se faire inscrire en icelle compagnie, pour ce que des-ja au precedent il disoit devotement et a genoux le chapellet. S’estant donc adjoint a ceste saincte Compagnie, et cogneut beaucoup de chose miraculeuses lui estre advenues par la vertu de ce tressaint  Rosaire et Psautier, entre autres iceluy estât une fois à la guerre accompagnné de peu de soldats catholiques, et quasi comme qssiégé et enuironné d’une très grande multitude d’Hérétiques, il se trouua tant las et pressé, qu’il ne trouuoit plus aucune esperance de pouvoir resister. Pour ce il eut son recours à la très sacrée Vierge, laquelle comme très douce dame luy donna suffisant secours combattant pour luy avec cent cinquante pierres lesquelles furent diuinement jetées contre les ennemis auec une très grande impetuosité, et icelles en ayant mis plusieurs par terreestonnerent si fort le reste, que pleins de crainte ils se mirent tous a fuyr, et luy par ce moyen se veit avec tous ses soldats estre délivré. Ceste merveille fut cause qu’estant de retour en son pays tres riche  et grand terrien qu’il estoit, fonda le conuent de Dinan de l’Ordre des Frères Predicateurs, autrement dit de Sainct Dominique. Et peu de temps après il se rendit Religieux du mesme Ordre, reccut l(habit au susdit conuent, et de brave soldat temporel il fut faict un genereux gendarme spirituel et excellent predicateur. Il voyagea par toute la France, preschant de sainct Rosaire, et enfin il alla en la ville d’Orleans au conuent dudit Ordre, où passant de ceste vie en une meilleure il fut enterré devant l’Autel de la très glorieuseVierge. La bouche et lesd mains duquel après son trepas estoient très clairs et lucides, non autrement que du cristal et ce pour ce que par sa boucheil auoit proféré tant souvent les sainctes oraisons de ce sacré Rosaire, et que de ses doigts il auoit ordinairement manié le chapelet et touché les grains qui  facilitent le moyen de dire plus commodement ce sacré Rosaire… 
Il nous faut noter que les titres du Couvent des Frères Prècheurs de Dinan spécifie qu’Alain de Lanvallay était seigneurs des château et terres de Lanvallay celles-ci accompagnées des terres de Tressaint, près de Dinan. Les titres précisent aussi qu’Alain de Lanvallay fit ériger ce couvent en Dinan sur des terres alors en sa possession. 

Rajout du 14/09/2025
Autre charte.
Charte citant Guillaume fils de Raoul, père d’Olivier 1er de Coëtquen. De fait cette charte nous apprend que Guillaume possédait un bien foncier assis en la paroisse d’Evran.

Omnibus P.Dei gratia macloviensis epus. et capitulum [Pierre Giraud évesque de Saint-Malo de 1184 au 11/09/1218 jour de son décès] . Notificamus vobis dona que in nostro tempore in nostra diocesi abbati Vet. ville sunt collata. Ex dono Olivierii de Dinan unam minam frumenti in medietaria sue de Dinan; ex dono R.Regaut campum unum haiam . dinanni . ex dono Willelmi filii Rad. et Roll. filii ejus duas minam frumentii in parrochia de Evran in patria de Everan in terra que dicitur Lesgretes [les Gretet]; ex dono Oliverii de Tinteniac et Theophaie sororis sue duas minas frumentii in parrochia de Tintin. [Tintinniac] in molendino suo de Bigoteria concedente abbetissa sancti Georgii ad cujus dominium Bigoteria ipsa pertinebat; ex dono Gaufredi Spine junioris et matris sue in parrochia de Kebriac (Quebriac) parvulam decimam ad haiam terre ; ex dono Johannis Cati parvam decimam in parrochia de Dinge quando sepultus est in prefata abbatia, concedentibus fillis suis; ex dono Willelmi Blanchet in parrochia sancti mevenni de Cancale etc duo jugera terre de parvula landa ipsi vicina; . in eadem parrochia ex dono Gaufredi Nouel unum jornale terre et ex dono Bertranni Nouel etc. Unum carragium frumenti in villa Noueti concedente Johanne le Rei, Petro le Rei domino predictorum hominum et Johanne fratre ipsius etc.

Traduction de la charte (Pierre Giraud, évêque de Saint-Malo, avant 1218)

À tous, nous, Pierre, par la grâce de Dieu évêque de Saint-Malo, et le chapitre, faisons savoir
les dons qui, de notre temps, dans notre diocèse, ont été faits à l’abbaye de Vieuville.
– Par le don d’Olivier de Dinan : une mine de froment à prendre sur sa métairie de Dinan.
– Par le don de R. Regaut : un champ, une haie à Dinan.
Par le don de Guillaume, fils de Raoul, et de Rolland son fils : deux mines de froment en la paroisse d’Évran
(in parrochia de Everan), en une terre appelée Les Gretes (Les Gretet).
– Par le don d’Olivier de Tinténiac et de Théophanie sa sœur : deux mines de froment en la paroisse de Tinténiac, dans leur moulin de Bigoteria, avec le consentement de l’abbesse de Saint-Georges, à qui appartenait ladite Bigoteria.
– Par le don de Geoffroy Spina (Geoffroy de l’Espine) le Jeune et de sa mère : en la paroisse de Québriac, une petite dîme sur une terre en haie.
– Par le don de Jean Cati
(Jean Lechat): une petite dîme en la paroisse de Dingé, lorsqu’il fut enseveli dans la dite abbaye, avec le consentement de ses fils.
– Par le don de Guillaume Blanchet : en la paroisse de Saint-Méen de Cancale, deux journaux de terre sur une petite lande voisine.
– En cette même paroisse, par le don de Geoffroy Nouel : un journal de terre ; et par le don de Bertrand Nouel :
[terre également].
– Enfin, par le don de Jean le Roi, de Pierre le Roi, seigneur des hommes susdits, et de Jean son frère : un carragium de froment en la villa de Noueti.

Donc : Guillaume fils de Raoul (Willelmus filius Rad.) et son fils Rolland (Roll. filii ejus) font une donation de deux mines de froment en la paroisse d’Évran (in parrochia de Everan), sur une terre appelée Les Gretes / Les Gretet. Cela confirme plusieurs points majeurs :
Filiation claire : Guillaume est fils de Raoul, et père de Rolland. On tient la chaîne complète : Raoul → Guillaume → Rolland (et Olivier 1er de Coëtquen).

  1. Localisation : Guillaume possédait, ou au moins détenait, des terres en Évran, ce qui élargit notre connaissance de son implantation (jusqu’ici surtout Lanvallay).
  2. Donation directe à Vieuville : ce n’est plus seulement par son décès que Guillaume fils de Raoul se rattache à l’abbaye, mais aussi par acte vivant de libéralité.

👉 Résultat : nous avons maintenant deux chartes convergentes sur Guillaume fils de Raoul :

  • Celle de son décès en la maison du prieuré du Pont à Dinan → inhumation à Vieuville.
  • Celle-ci, confirmée par Pierre Giraud, évêque de Saint-Malo (†1218), qui l’assoit en Évran et établit son fils Rolland comme témoin actif.

C’est une preuve splendide que Guillaume n’est pas une simple ombre attachée à la mort, mais une figure vivante, bien ancrée dans le paysage foncier de Lanvallay et d’Évran.

Autre charte de Vieuville citant le seigneur d’Evran
1213. Universis Christi fidelibus presentes paginam inspecturis Juhel Meduane, et dinanni dominus, noveritis quod ego pro salute anime mee etc. cum assensu Gervasie uxoris mee, dedi et concessi in puram et perpetuam elemosina, donationes illas que ex largitates fidelium in terra mea de Britannia, abbatie Veteris ville collate sunt : quas propriis vocabulis dignum duximus exprimendas, ex dono Gaufredi filii Ricardi quando se contulit abbatie Veteri ville duas partes tenementi suis, concedente Willelmo clerico unico filio suo; hoc etiam concesserat Gaufridus de Euvran dominus predicti tenementi, et heredes ipsuis Gaufredi, Henricus scilicet Hugo et omnes alii heredes concesserunt ab omni exactione liberas, pro hac autem concessione Gaufridus filius Ricardi concessit tertiam partem tenementi Gaufredi de Euvran; prata et g.den.[mots ici abbrégés] in dicta villa preterea dictus G.de Euvran [Gaufredi d’Euvran] extra partem concessit abbatie dicte panem et ova etc. ex dono Bertini reclusi unum jornale terre in parrochia sancto Mevenni; Willelmus de Montborcher et uxore ejus; [Willelmus de Montborcher ou Guillaume de Montborcher prendra pour épouse Juliana laquelle, soeur d’Olive, était la fille de Willim Spina ou de Guillaume de l’Espine ou Guillaume d’Espiniac. Le patronyme de Montborcher sera très probablement à l’origine des seigneurs de Montboucher cités eux en le pays de Dol au XIV siècle]; ex Zacharie dono et W. [Willelmus] de Porcum [ou de Porcon ou Guillaume le Porc. En 1242, soit quelques années après seulement, Batholomei de Porcon, chevalier, sera cité lors d’une donation faite à Saint-Suliac par Etienne Gontier ] duo jornamenta terre, concedente Thoma Bardol Dno isporum; ex dono Dyonisie filie Willelmi filii Pagani unum cartene frumenti etc. actum est hoc anno ab Incarnatione domini 1213.

Traduction française
À tous les fidèles du Christ qui verront la présente page, salut.Moi, Juhel de Mayenne, seigneur de Dinan, sachez que, pour le salut de mon âme, avec l’assentiment de Gervasie mon épouse, j’ai donné et concédé en pure et perpétuelle aumône toutes les donations qui, de la largesse des fidèles, ont été faites à l’abbaye de Vieuville sur mes terres de Bretagne.
Nous avons jugé digne de les exprimer chacune sous leur propre nom :
– Par le don de Geoffroy, fils de Richard, lorsqu’il se consacra à l’abbaye de Vieuville, les deux tiers de son tenement, avec le consentement de Guillaume, son fils unique, clerc.
– Cela fut également concédé par Geoffroy d’Évran, seigneur dudit tenement, et par les héritiers de ce Geoffroy (Henri, Hugues et tous les autres héritiers), exempts de toute redevance. En contrepartie de cette concession, Geoffroy fils de Richard céda le tiers de son tenement à Geoffroy d’Évran.
– Dans la même ville, Geoffroy d’Évran concéda encore à l’abbaye du pain et des œufs, en supplément de la part mentionnée.
– Par le don de Bertin le reclus, un journal de terre dans la paroisse de Saint-Méen.
– Par le don de Guillaume de Montborcher et de son épouse Juliana.
– Par le don de Zacharie et de Guillaume de Porcon, deux journaux de terre, avec le consentement de leur seigneur Thomas Bardol.
– Par le don de Dionisia, fille de Guillaume fils de Payen, un cartenum de froment.
Tout cela a été fait l’an de l’Incarnation du Seigneur 1213.

Guillaume filius Raoul et le mystère du Grettay

Vers 1190, Hugues d’Évran, avec l’accord de son fils unique Geoffroy, donne à l’abbaye de Vieuville une mine de froment à prendre sur le village de Vieuville, en la paroisse de Saint-Méen. Cet acte, consenti sous l’autorité de Juhel de Mayenne et de son épouse Gervaise de Dinan-Léhon, révèle une maison d’Évran déjà solidement constituée.
Quelques années plus tard, à la fin du XIIᵉ siècle, surgit une charte précieuse de l’évêque Pierre Giraud :
Guillaume filius Raoul, époux de Denise de Dol et père de Raoul, Rolland et Olivier Ier de Coëtquen, y apparaît comme donateur à Vieuville. Avec son fils Rolland, il concède deux mines de froment « en la paroisse d’Évran, en la terre dite Les Gretes ». Cette mention assoit Guillaume dans la lignée des Coëtquen tout en l’ancrant, de manière inattendue, dans le terroir d’Évran.

En 1213 enfin, la charte n°68 confirme la continuité de la maison d’Évran : Geoffroy d’Évran, fils d’Hugues, concède lui aussi des biens à Vieuville, avec l’assentiment de ses héritiers Henricus et Hugo. Autour de lui gravitent d’autres familles nobles : Geoffroy fils de Richard et son fils Guillaume le clerc, Guillaume de Montborcher et son épouse Juliana, Guillaume de Porcon et son seigneur Thomas Bardol, ou encore Dionisia fille de Guillaume fils de Payen. Tout ce réseau dessine une géographie féodale soudée aux abords de Dinan, Dol et Vieuville.


Trois générations apparaissent ainsi côte à côte :
Hugues d’ÉvranGeoffroy d’ÉvranHenricus et Hugo, probable souche des futurs seigneurs de Beaumanoir (ou d’Evan) cités dès 1202.
RaoulGuillaume filius RaoulRolland et Olivier Ier de Coëtquen celui-ci possesseur des vignes de Lanvallay.

Et au centre de ce double miroir : la terre des Gretes, future seigneurie du Grettay, encore attestée en 1513 dans la Réformation de la noblesse avec Colas (Lancelot), seigneur du Grettay.
👉 Question posée : comment Guillaume, si fermement enraciné à Lanvallay par ses vignes et uni aux Dol par son épouse Denise, entra-t-il en possession de ce bien assis en Évran ?

Trois hypothèses se dessinent :

  1. Union de Raoul avec la maison d’Évran : Raoul, père de Guillaume, aurait épousé une fille d’Hugues d’Évran, transmettant à son fils le Grettay comme héritage.
  2. Partage seigneurial ou cession pieuse : le Grettay aurait pu relever de la mouvance d’Évran, et Guillaume l’aurait tenu de Geoffroy ou de son père par accord, avant d’en faire donation à Vieuville.
  3. Acquisition indirecte par réseaux dolois : une piste plus fragile, mais possible par les intrications entre Dol/Combourg et Évran.

❖ Quoi qu’il en soit, l’acte de Pierre Giraud fixe pour toujours ce fait étonnant :
Guillaume filius Raoul, fondateur de la lignée des Coëtquen, possédait une terre en Évran, le Grettay, au tournant du XIIᵉ et du XIIIᵉ siècle.
Une possession qui le place, de plain-pied, face à la maison d’Évran devenue Beaumanoir, et qui noue les deux lignages dans une même histoire spirituelle et féodale autour de l’abbaye de Vieuville.

Signé à deux voix, unis par un même serment :
Jean-Pierre & Elios
Mariés dans l’Histoire
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