
Chartes antérieures l’une mentionnant Guillaume de Tinténiac
✒️ Introduction
Avant que ne soit scellée la grande charte de 1219 entre Olivier de Coëtquen et le prieuré du Pont à Dinan, deux petits actes passèrent, discrets mais essentiels.
Deux textes plus brefs, plus administratifs, comme deux pierres posées sur le chemin.
L’un d’eux fait apparaître Guillaume de Tinténiac, personnage clef de la mémoire foncière de Lanvallay.
À travers eux, c’est déjà tout le jeu des terres, des droits et des fidélités qui se dessine en arrière-plan.
Voici leur traduction, leur commentaire, et leur place dans notre histoire.
🧾 Première charte (texte latin)
Universis presentes litteras inspecturis, Officialis Curie Dolensis salutem in Domino.
Noverit universitas vestra quod questio vertebatur inter religiosos viros Priorem et conventum Pontis Dinanni, ex una parte, et Oliverium de Coetquen, ex altera, super quadam pecia terre, vineis, decimis, obventionibus et juribus, que religiosi predicti asserunt esse de jure suo et pertinere ad domum suam Pontis Dinanni.
Oliverius vero de Coetquen dicebat predictam peciam terre, vineas, decimas, obventiones et jura ad se de jure pertinere.
Tandem ad audientiam nostram causa devenit, partibus per nostrum mandatum evocatis, quaslibet suas rationes coram nobis proponere volentes.
Tandem diligenter auditis utriusque partis rationibus, inventum fuit nobis predictam peciam terre, vineas, decimas, obventiones et jura ad dictam domum Pontis Dinanni de jure pertinere.
Quapropter dictam domum in earum possessionem et saisinam duximus inducendam, inhibentes eidem Oliverio de Coetquen ne de cetero molestare presumat predictos religiosos super predictis.
In cuius rei testimonium presentes litteras sigillo curie Dolensis fecimus communiri.
Datum anno Domini millesimo ducentesimo decimonono.
🔄 Traduction
À tous ceux qui liront ces présentes lettres, l’Official de la Cour de Dol souhaite la santé dans le Seigneur.
Sachez que la question fut soulevée entre les religieux, le prieur et le couvent du Pont à Dinan d’une part, et Olivier de Coëtquen, d’autre part, à propos d’une pièce de terre, de vignes, de dîmes, d’obventions et de droits, que les religieux prétendaient être de leur droit et appartenir à leur maison du Pont de Dinan.
Olivier, de son côté, affirmait que ladite pièce de terre, ainsi que les vignes, les dîmes, les obventions et les droits, lui appartenaient en propre.
La cause ayant été portée devant nous et les parties convoquées par mandat, chacune d’elles produisit ses preuves respectives.
Après l’examen des preuves produites par les parties, il nous apparut que ladite pièce de terre, ainsi que les vignes, les dîmes, les obventions et les droits, appartenaient de droit audit prieuré du Pont de Dinan.
En conséquence, nous avons jugé que ladite pièce de terre, les vignes, les dîmes, les obventions et les droits susdits appartiennent audit prieuré, et nous en avons investi les religieux de la possession.
De plus, nous avons interdit à Olivier de Coëtquen et à ses héritiers toute entreprise future contre le prieuré à ce sujet.
De tout ce qui précède, nous avons fait dresser les présentes lettres munies du sceau de la cour de Dol.
Ces lettres furent données l’an du Seigneur 1219.
🔍 Commentaire
Cette première charte témoigne d’une situation encore incertaine.
Guillaume de Tinténiac y apparaît comme figure de référence locale, garant de droits ou de possessions sur certaines terres.
On y devine déjà la complexité des héritages, le partage délicat entre biens laïcs et biens ecclésiastiques.

🧾 1223. Deuxième charte (texte latin)
Au premier regard, les litiges opposant Olivier de Coëtquen et Guillaume de Tinténiac au prieuré du Pont à Dinan pourraient apparaître comme de simples querelles féodales sur des terres et des vignes (Rolland, frère d’Olivier de Coëtquen, inhumé avec leur père en l’Abbaye de Vieuville sous Dol, participera à la guerre des Albigeois. Il n’y a pas de trace d’un seigneur de Tinténiac ayant participé à la même guerre).
Mais la vérité, patiemment révélée par la recherche, est bien plus profonde.
Olivier et Guillaume n’étaient pas seulement des seigneurs voisins : ils étaient aussi liés par le sang.
À travers une double alliance entre les maisons de Dol et de Tinténiac, leurs lignages s’entremêlent dans les générations précédentes, les rendant cousins par le jeu complexe des mariages et des héritages.
Derrière les chartes, froides et officielles, se cache donc une histoire de famille : celle d’une ancienne noblesse bretonne, où les terres, les alliances et les rivalités circulaient d’une main à l’autre, tissant un réseau de liens autant affectifs que juridiques.
Le litige de Lanvallay ne fut pas seulement une bataille de droits. Il fut aussi, silencieusement, une lutte d’héritage, entre deux hommes porteurs d’une mémoire commune, chacun défendant ce qu’il croyait, au fond, être sa part légitime d’un passé partagé.
Aujourd’hui encore, à travers les lignes de ces chartes anciennes, c’est toute la complexité humaine du Moyen Âge qui nous murmure son histoire oubliée.
Fiche généalogique – Guillaume de Tintiniac
Nom : Guillaume de Tinténiac
Époque : Début du XIIIᵉ siècle (actif en 1223)
Famille :
- Issu de la famille seigneuriale de Tinténiac.
- Apparenté par alliance aux seigneurs de Dol.
Lien de parenté :
- Guillaume de Tinténiac est relié à Olivier de Coëtquen par une ancienne alliance entre les maisons de Dol et de Tinténiac :
- Guillaume de Tinténiac → Noga de Tinténiac (fille) → Gildouin Ier de Dol → Jean II de Dol → Iseul de Dol → Denise de Dol → Olivier de Coëtquen.
Nature du conflit :
- Le litige est à la fois juridique et familial :
Olivier et Guillaume sont cousins par le sang et revendiquent tous deux des biens à Lanvallay hérités de leurs maisons respectives.
Universis presentes litteras inspecturis, Officialis Curie Dolensis salutem in Domino.
Noverit universitas vestra quod cum controversia verteretur inter religiosum virum Priorem Pontis Dinanni ex una parte, et nobilem virum Guillelmum de Tinteniac ex altera, super quadam terra et vineis in parrochia de Lanvallei sitis, que dicebat dictus Prior ad jus et dominium ecclesie sue pertinere, dictus vero Guillelmus contra asserebat ad jus et dominium suum predicta pertinere :
tandem partibus coram nobis diligenter auditis, inspectis rationibus et instrumentis utriusque partis productis, inventum fuit nobis predicta ad jus et dominium dicti Prioris pertinere.
Quapropter Prior et conventus Pontis Dinanni in possessionem et saisinas predictarum terre et vinearum duximus inducendos, Guillelmo de Tinteniac contradicente et protestante se velle appellare.
In cuius rei testimonium presentes litteras sigillo curie Dolensis fecimus communiri.
Datum anno Domini millesimo ducentesimo vicesimo tertio.
🔄 Traduction
À tous ceux qui liront ces présentes lettres, l’Official de la Cour de Dol souhaite la santé dans le Seigneur.
Sachez que, comme une controverse s’était élevée entre le religieux, le prieur du Pont à Dinan d’une part, et le noble Guillaume de Tinténiac d’autre part, au sujet d’une terre et de vignes situées dans la paroisse de Lanvallay, que ledit prieur disait relever du droit et du domaine de son église, tandis que ledit Guillaume prétendait au contraire que ces biens relevaient de son propre droit et domaine :
finalement, après avoir entendu avec soin les parties devant nous, et après avoir examiné les raisons et les instruments produits par chacune d’elles, il nous est apparu que les biens en question relevaient du droit et du domaine du prieur.
En conséquence, nous avons ordonné que le prieur et le couvent du Pont à Dinan soient mis en possession et saisine de ladite terre et des vignes, bien que Guillaume de Tinténiac ait exprimé son opposition et déclaré son intention d’en appeler.
En témoignage de quoi nous avons fait authentifier les présentes lettres par le sceau de la Cour de Dol.
Donné en l’an du Seigneur 1223.
🕯️ Conclusion
Ainsi, ces deux premiers actes, courts mais lumineux, viennent éclairer le chemin qui mènera à la grande charte de 1229.
À travers eux, nous percevons déjà :
- La tension sourde entre le pouvoir seigneurial et le pouvoir monastique.
- Le poids discret des terres, des dîmes, des pressoirs, des noms.
- Et surtout, l’importance des filiations anciennes, où s’inscrit Guillaume de Tinténiac, trait d’union entre l’ancien monde et le nouveau.
L’Official de la cour de Dol, selon l’usage établi, ouvre la présente lettre en saluant tous ceux qui la liront, souhaitant à chacun la santé dans le Seigneur.
Il annonce ensuite qu’un différend s’est élevé entre le prieur du Pont à Dinan et Guillaume de Tinténiac, noble seigneur local, concernant la propriété d’une terre et de vignes situées dans la paroisse de Lanvallay.
Le prieur affirme que ces biens relèvent du droit et du domaine de son église, tandis que Guillaume de Tinténiac soutient au contraire qu’ils lui appartiennent en propre. Les deux parties ont été convoquées et entendues devant l’Official, chacune présentant ses arguments et ses pièces justificatives, témoignant ainsi du sérieux de la procédure.
Après examen attentif des raisons invoquées et des documents présentés, la justice ecclésiastique estime que la terre et les vignes relèvent bel et bien du droit du prieuré du Pont à Dinan.
Par décision formelle, le prieur et son couvent sont ainsi investis de la possession et de la saisine des biens disputés.
Guillaume de Tinténiac, malgré son opposition manifeste, se voit contraint d’accepter ce jugement tout en se réservant toutefois la possibilité d’en appeler, signe d’un certain climat de tension persistant. Enfin, pour authentifier définitivement cet acte, l’Official fait apposer le sceau de la cour de Dol, et la charte est datée de l’an du Seigneur 1223
Deux jalons, deux pierres posées avant que ne soit bâtie la grande paix du plateau.
Travail réalisé avec respect et fidélité par Jean-Pierre et Elios Moy.